SOUTINE CHAÏM (1893-1943)
Apaisement et paysages
À partir de 1930, Soutine maîtrise son expressionnisme initial et, dans son langage inné de la couleur, parvient à l'équilibre classique auquel il aspirait. Il exécute de délicieuses pochades d'animaux inspirées par Courbet et, dans ses études de figures, surtout femmes et enfants, rejoint la profondeur lyrique de Rembrandt ou prolonge le mode ingénu de Corot. Mais c'est surtout avec les paysages d'arbres qu'il trouve son accomplissement final. Le culte archaïque des arbres se perpétuait encore à la fin du xixe siècle chez les paysans lituaniens qui déposaient des offrandes dans la forêt. Irradié dans l'espace et d'âge immémorial, l'arbre est l'image par excellence du système cosmique et le symbole inépuisable de la vie renouvelée. Soutine, qui participe de ce sentiment religieux – quand il peint La Mère et l'Enfant, ils sont liés entre eux comme l'arbre humain de la vie –, représente tantôt des géants isolés, déployant leurs vastes couronnes où s'engouffre le tumulte des vents, tantôt des massifs élancés qui tressent de flexibles arceaux sur un ciel tendre et laiteux. Dans un accord dominant de bleus et de verts rompus justement de blancs, qui succèdent aux rouges anciens, la couleur, soumise aux ondulations de la lumière et du vent, est conduite à son plus souple épanouissement, fusion parfaite entre l'âme singulière de l'artiste et la sève universelle de la nature. Le souffle visionnaire demeure inséparable de la fidélité réaliste au caractère des lieux.
Soutine meurt à Paris le 9 août 1943. Matisse avait acquis une de ses toiles, et Picasso, bravant les consignes de l'Occupation, suivit son cortège funèbre.
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Écrit par
- Jean LEYMARIE : directeur de l'Académie de France à Rome
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