Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHAISSAC-DUBUFFET (expositions et livre)

La publication en 2013 par les éditions Gallimard de l’intégralité de la correspondance croisée entre Gaston Chaissac et Jean Dubuffet fait figure d’événement. L’exposition Entre Plume et Pinceau, co-produite par L’Adresse-Musée de la Poste, à Paris (27 mai-28 septembre 2013), et par le musée de l’Abbaye Sainte-Croix aux Sables-d’Olonne (12 octobre 2013–26 janvier 2014), a permis de mesurer la place singulière qu’occupent, dans l’histoire de l’art du xxe siècle, ces deux graphomanes invétérés. Si leurs pratiques artistiques diffèrent, ils n’en restent pas moins, l’un comme l’autre, les chantres d’une authentique liberté de création.

Des échanges épistolaires

Gaston Chaissac écrivait beaucoup. On lui répondait peu. Cependant, l’un de ses interlocuteurs, Jean Paulhan, – directeur de la Nouvelle Revue française – joue les passeurs, et le met en contact en 1946 avec Jean Dubuffet, alors en quête d’un art hors normes, qu’il qualifiera d’« art brut ». Chaissac, qui se voit en « peintre rustique moderne », donne le coup d’envoi de l’échange en provoquant habilement son interlocuteur : « Je pense que votre dernière exposition fut une erreur », écrit-il, lui prodiguant ensuite quelques conseils sur la manière de séduire la critique. Dubuffet répond : « Cher écriveur de lettres si drôles », et renchérit avec un plaisir évident sur le peu de cas qu’il fait des critiques et spécialistes en tous genres auxquels il ferme « volontiers sa porte ». Et il termine sur « Bonnes amitiés cher journalier agricole fantôme »

Ainsi vont naître au fil des années un total de 448 lettres – 285 pour Chaissac et 163 pour Dubuffet. Cette correspondance ne prendra fin qu’avec la mort de Chaissac en 1964. Ce dernier, qui n’a que faire de l’orthographe et des règles grammaticales, n’en est pas moins un épistolier intarissable et un écrivain né, qui ne pouvait que séduire l’auteur d’Asphyxiante culture (1968), lorsqu’il lit : « Je ne prends pas certaines choses au tragique et c’est si amusant de peindre, même un mauvais tableau ». Isolé dans le bocage vendéen, Chaissac évoque sa pratique : « Je peins comme un bourrelier et le trait qui entourent mes dessins a quelque chose des filets que les bourreliers tracent sur les colliers, des chevaux pour les décorer ». Il raconte également la vie de son village et celle de ses habitants, ses contraintes, ses difficultés, son désarroi et ses besoins. « Tu n’as pas une vie assez variée, assez attrayante, lui écrit Dubuffet qui ajoute : « Il est vrai que c’est justement cette vie que tu as qui alimente ton art. » Et lorsque Chaissac fait l’éloge de « la crasse dans l’art pictural », Dubuffet n’est pas en reste : « Oui un tas d’ordure, c’est beau, mais tous ne sont pas de cet avis. »

Jean Dubuffet s’avère par ailleurs d’une générosité exemplaire. Il joue les financiers et répond aux demandes de son ami. Il envoie couleurs, papiers, pinceaux et même médicaments, et le rassure sur ses inquiétudes : « Ne t’inquiète pas mon bon Gaston pour tes craintes de folie, car la folie ne te menace pas et ne te menacera jamais. » Dubuffet admire sincèrement l’art de son « épineux cousin » et croit en son avenir : « Je comprends très bien tes tableaux et je comprends la langue qu’ils parlent. » En 1947, il organise une exposition des œuvres de Chaissac, à la galerie L’Arc-en-Ciel, à Paris, dont il rédige la Préface que ce dernier trouve, dans un premier temps « idiote, archi-idiote », avant de changer d’avis.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification