ASCH CHALOM (1880-1957)
L'œcuméniste
C'est ainsi qu'après avoir été couronné chantre par excellence de la bourgade juive – si caractéristique naguère de l'Europe orientale – et qu'il a décrite comme nul ne l'avait fait avant lui, après avoir délecté toute sa génération par l'amour et l'attachement sans bornes voués au personnage de la mère, à la vie hassidique de son milieu, aux sabbats purs et lumineux de son enfance, voilà qu'il s'attaque à un sujet incandescent : les rapports judéo-chrétiens.
Depuis sa jeunesse, l'auteur couvait l'idée de la grande réconciliation entre les deux familles monothéistes. Il y avait fait allusion (et même plus qu'une allusion) dans quelques-unes de ses œuvres précédentes, notamment dans Le Juif aux psaumes, qui eut un retentissement certain aux États-Unis comme en France. Là, à propos d'une âme que se disputaient un rabbin et un prêtre catholique, tous deux, au cours de la même nuit, récitent le même psaume : « Accomplis envers Ton serviteur, Ta promesse... »
Coup sur coup – en plein déchaînement hitlérien – il publie Le Nazaréen, Paul et Marie. Scrupuleux jusqu'au conformisme, il semble prendre à son compte les textes évangéliques, tout en judaïsant les premiers chrétiens et christianisant des héros de la Bible hébraïque. Entraîné par sa verve, il accepte le risque de donner à une œuvre d'imagination, qu'il veut édifiante, l'apparence d'une chronique. Ce fut un beau tollé. Impassible, Asch poursuit sa fameuse trilogie, non sans être, entre-temps et à plusieurs reprises, retourné auprès de ses héros contemporains familiers, dans une série de contes bouleversants.
En dépit des pieuses intentions de l'auteur et de la haute tenue littéraire de ses ouvrages « judéo-chrétiens » (suivis d'un Moïse et d'un Prophète de tendance classique), ceux-ci ne constituent qu'un épisode dans la riche production de Chalom Asch. Ce qui émerge de sa cinquantaine de volumes d'inégale valeur dont certains sont traduits en diverses langues, ce sont : la bourgade juive avec ses beautés simples, patriarcales ; les scènes de la vie juive en Amérique et singulièrement les narrations israéliennes, véritables poèmes en prose ; les quartiers juifs de la Varsovie d'avant le raz de marée nazi, avec ses personnages caractéristiques, sa vie bouillonnante ; c'est encore la Varsovie d'après le désastre, évoquée dans La Marche triomphale, où l'on voit les ombres de ses habitants, gazés et brûlés par les Allemands, défiler pour la dernière fois, en un cortège hallucinant.
La Bourgade, La Mère, La Sanctification du Nom, La Sorcière de Castille, Le Juif aux psaumes, Le Chant de la vallée, Le Buisson ardent sont des titres prestigieux dans la littérature yiddish.
Chalom Asch est mort à Londres en 1957. Il demeure le romancier puissant, le visionnaire à l'intuition profonde, qui a frôlé le prix Nobel. C'est le maître de la prose yiddish. Il a su révéler au monde la vigoureuse fraîcheur et la virilité savoureuse d'une population qui maintenait fidèlement les mœurs et les traditions de source biblique.
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Écrit par
- Isaac POUGATCH : écrivain, traducteur
Classification
Autres références
-
YIDDISH
- Écrit par Rachel ERTEL et Yitzhok NIBORSKI
- 13 906 mots
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Chalom Asch (1880-1957) fut un romancier prolixe à l'inspiration versatile. Son registre très varié le fit passer d'une écriture lyrique proche de I. L. Peretz (Dos Shtetl...) à des romans d'une veine réaliste (Motke Ganev). Le genre de la fresque sociale lui inspira sa trilogie...