CHAMBORD
Demeure étrange, édifiée dans une plaine assez désolée, Chambord est un château, à la fois prodigieux et inhabitable, créé par François Ier en 1519. La construction se prolongea jusqu'à la mort du roi pour ne prendre fin que sous Henri II. La grande activité du chantier se situe entre 1520 et 1536 ; mais François Ier, d'abord impatient, paraît s'être désintéressé assez vite de son œuvre et, vers la fin du règne, il vint très peu à Chambord. Peut-être trouvait-il — assez justement — ce château démodé.
Les principaux maçons engagés pour la réalisation de cette demeure sont Jacques Sourdeau, un des bâtisseurs de Blois, Pierre Trinqueau, qui semble avoir conservé jusqu'à sa mort, en 1538, la haute direction de l'œuvre, et Jacques Coqueau. Plusieurs dessins de l'édifice furent établis avant la mise en train de la construction. On connaît un modèle en bois qui avait été exécuté par Dominique de Cortone et l'on pense que Léonard de Vinci, pendant les dernières années de sa vie passées en France, put intervenir dans l'élaboration des plans de Chambord.
Le plan de l'édifice est celui d'un château fort de plaine, très voisin, par exemple, de celui de Vincennes. Il comporte une vaste enceinte rectangulaire, bordée d'une fausse braie, cantonnée de tours rondes, et sur un côté de laquelle s'érige un donjon. Ce donjon, qui possède des proportions colossales, constitue à lui seul le château presque entier. C'est un énorme cube de pierre d'environ 45 mètres de côté (la saillie des tours non comprise), flanqué de quatre puissantes tours d'angle et traversé par deux vestibules au croisement desquels est située la double hélice du célèbre escalier. Les proportions de ce plan sont calculées avec un souci de symétrie et d'harmonie qui n'était pas habituel dans l'architecture française du Moyen Âge ; aussi l'on doit reconnaître que ce plan a été établi par les Italiens sur des données d'origine française. En particulier, l'idée de situer une vis au cœur d'un massif de maçonnerie est d'une audace extraordinaire et sans nul précédent en France. Cette idée pourrait être due à Léonard de Vinci. Par la position de l'escalier, le château de Chambord devient un édifice de plan centré, préoccupation que l'on rencontre très souvent dans les carnets de Léonard. On s'est souvenu également du modèle romain de Bramante au Belvédère, pour la réalisation de la vis double de Chambord, en logeant celle-ci dans une cage à claire-voie.
Dans l'élévation de cette demeure, on doit relever certaines affinités avec le château de Blois. Les arcades du donjon sont du même type issu de Bramante que celle de la façade des Loges à Blois ; elles ne font que marquer des rapports de filiation directe entre Chambord et l'aile François Ier. Nous retrouvons à Chambord les deux éléments typiques de l'ordonnance blésoise : la superposition des pilastres sur toute la hauteur du monument et la séparation des étages par deux corps de moulures horizontales.
À Chambord, l'essentiel du décor est reporté dans les œuvres hautes ; les combles, fort élevés, sont hérissés de lucarnes à plusieurs étages, de cheminées monumentales, de tourelles d'escalier, le tout orné et donnant à l'édifice un couronnement d'une incomparable splendeur. Cette richesse exubérante des superstructures relie profondément Chambord à la tradition française et exprime une filiation par rapport aux brillants châteaux du xive siècle finissant, tels que Mehun-sur-Yèvre ou Saumur.
Cependant, tout dans l'exécution reste fortement imprégné d'italianisme. En premier lieu, le donjon offre la particularité d'être couvert de vastes terrasses correspondant aux salles en croix. On ne peut méconnaître l'œuvre d'un artiste étranger[...]
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Écrit par
- Gérard ROUSSET-CHARNY : historien de l'art
Classification
Média
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