CHAMPA ou CAMPĀ
Sur une partie de la côte orientale de l'actuel Vietnam, depuis la porte d'Annam, au nord, jusqu'à la latitude de Phan-thiêt, au sud, on a retrouvé les vestiges d'un ancien royaume « indianisé » : monuments en état de ruine avancée au moment de leur découverte (travaux de l'École française d'Extrême-Orient, menés dès la fin du xixe s.), sculptures et inscriptions lapidaires (celles-ci, le plus souvent brisées et déplacées). Ces inscriptions (et celles des royaumes voisins) appellent ce royaume Campā (nom féminin, prononcer « Tchampâ ») et ses habitants les Cāmpa. Par suite d'une « francisation » abusive, l'usage – auquel nous nous conformerons pour plus de commodité – s'est établi d'appeler ce pays « le Champa » et ses habitants « les Cham ».
La formation du Champa, comme celle de la plupart de royaumes anciens de l'Asie du Sud-Est, a bénéficié d'apports de l'Inde, venus s'ajouter et s'adapter à une culture locale. Celle-ci n'était pas négligeable et devait, d'ailleurs, n'étant qu'un élément du vaste ensemble austro-asiatique où s'intègre la culture de l'Inde, ne pas trop « dépayser » les colonisateurs pacifiques que furent les Indiens : aventuriers, marchands, nobles exilés et brahmanes. Arrivant par vagues successives, dès le début de l'ère chrétienne sans doute, ils apportèrent, avec la langue sanskrite (langue des textes sacrés, mais aussi, vraisemblablement, lingua franca pour ces Indiens d'origines diverses), l'hindouisme, qui englobe tous les aspects de la vie matérielle et spirituelle. Quant aux moines bouddhistes, dont le rôle fut très important au Champa, ils vinrent d'abord de l'Inde, mais peut-être aussi, ultérieurement, de la Chine, et introduisirent le bouddhisme du Grand Véhicule (Mahāyāna).
Dès son apparition (vers le ive s. de notre ère ?), le Champa fut continuellement en guerre contre ses voisins, et surtout contre ceux du Nord : les Chinois, puis les Vietnamiens dès que ceux-ci eurent constitué un État, le Dai Co Viet (968). Les limites géographiques définies plus haut correspondent à l'apogée du Champa. Dès l'an 1000, la capitale devait se transporter dans le Sud, au Binh-dinh, et pendant presque un millénaire encore, le Champa luttera contre le Dai Viet, avec des moyens de plus en plus réduits ; de nos jours, dans la région la plus méridionale de l'ancien Champa, à Phan-ri, ne subsiste plus « qu'une misérable minorité ethnique attachée au souvenir, bien affaibli, de la culture hindouiste de ses ancêtres » (J. Boisselier).
Le littoral de l'Indochine est constitué, du nord au sud, par une série de petites plaines côtières, qui sont relativement isolées les unes des autres. Le Champa resta composé de petites principautés voisines et parfois rivales. Cependant, ces principautés reconnurent généralement la suzeraineté de l'une ou l'autre d'entre elles, suzeraineté dont le signe était la possession d'un lieu saint où résidait le dieu Śiva, maître du royaume. Là aussi se retrouve un antagonisme du Sud par rapport au Nord, le haut lieu du Po Nagar de Nha-trang faisant concurrence à celui du cirque montagneux de Mi-son (Quang-nam). Ainsi l'histoire et nécessairement l'histoire de l'art se montrent-elles constituées de fragments juxtaposés, plutôt qu'elles ne forment des ensembles organiques. Si une succession évolutive des styles peut être reconnue de manière globale, il n'en reste pas moins que les brusques changements constatés, qui s'expliquent en partie par des influences extérieures de provenances diverses, semblent correspondre aussi à des particularismes locaux assez marqués. À la fragmentation existant dans les faits vient s'ajouter celle, apparente et trompeuse, qui résulte d'une documentation très lacunaire : peu de monuments cham nous sont parvenus, et[...]
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Écrit par
- Albert LE BONHEUR : conservateur au Musée national des arts asiatiques-Guimet
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