CHANGE Le système monétaire international
Le cœur du système
Le S.M.I., à bien y réfléchir, de Bretton Woods à aujourd'hui, fait apparaître une grande unité. Ce que nous appelons le « cœur » du système demeure à peu de choses près inchangé. C'est le dollar des États-Unis qui, en réalité, le régule tout entier. Il est le soleil autour duquel s'ordonnent les autres monnaies. Cette prééminence du dollar est encore accentuée par la financiarisation du S.M.I. et la montée des mouvements internationaux des capitaux. L'euro, après ses premières années d'introduction, n'a pas réellement ébranlé le quasi-monopole du dollar. Toutefois, l'existence de la monnaie européenne se traduit par une hésitation croissante entre le statu quo autour de la seule monnaie universelle, le dollar, et une organisation plus oligocentrique du système, dans laquelle l'euro doit trouver sa place. Et il faudra aussi compter sur l’internationalisation du renminbi qui, quoique encore timide, sera probablement source d’importantes mutations dans un avenir proche.
Le rôle central du dollar confirmé
On se souvient de la formule fameuse de Jacques Rueff qui, au début des années 1960, vint à mettre en cause le « déficit sans pleurs » américain. En cette période – et même si le déficit américain n'atteignait pas alors la dizaine de milliards –, Rueff stigmatisait un système qui donnait au dollar ce que le général de Gaulle nomma un « privilège exorbitant » (conférence de presse du 4 février 1965). À l'image de cet enfant qui perd au jeu de billes, mais qui peut jouer indéfiniment parce que son adversaire lui prête à nouveau les billes qu'il vient de gagner, les États-Unis, pays émetteur de la énième monnaie, pouvaient continuer d'entretenir une balance déficitaire, de conquérir des positions à l'étranger par l'investissement direct, voire de financer la guerre au Vietnam. Un demi-siècle plus tard, le problème du règlement en or ne se pose plus. En revanche, celui du financement de l'économie américaine par les pays étrangers a perduré. Il a même pris une dimension préoccupante dans les années 2000.
La balance courante américaine est structurellement déficitaire, mais le déficit s’est surtout aggravé dans les années 1990, et ce, jusqu’en 2006.
Au début de 2000, les États-Unis vivent clairement au-dessus de leurs moyens. Ils renouent avec leurs déficits « jumeaux » des années 1980, mais avec des montants plus élevés, le déficit du budget et le déficit du compte courant avoisinant régulièrement les 500 milliards de dollars. En 2006, le déficit courant atteint le chiffre record de 800 milliards de dollars, soit 6 p. 100 du P.I.B. Les États-Unis en viennent à emprunter plus de deux milliards de dollars par jour sur les marchés. Cela, en particulier, parce que le taux d'épargne des ménages américains est proche de zéro (1 p. 100 en 2000 contre, par exemple, 6,5 p. 100 en 1992) et que, malgré cela, l'Amérique veut continuer d'investir et d'exercer sur tous les plans ses prérogatives de superpuissance. Lorsque la conjoncture américaine est devenue plus difficile en 2001 (crise de la nouvelle économie et 11 septembre 2001), le « mécanisme du déficit sans pleurs » a, une nouvelle fois, joué : en 2001 et en 2002, les achats de titres (bons et obligations) du Trésor américain ont pris le relais de l'investissement direct.
Le problème de la soutenabilité du déficit courant
Le monde vit, ainsi, dans un cadre d'étalon dollar. Le dollar demeure la monnaie incontestée par rapport à laquelle se valorisent toutes les autres. Il est monnaie tierce de transaction pour les produits primaires (à commencer par le pétrole) comme pour de multiples autres biens industriels ou services. Il est monnaie véhiculaire pour l'activité interbancaire et le marché des changes. En lui est libellée environ[...]
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Écrit par
- Henri BOURGUINAT : professeur émérite de l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
- Gunther CAPELLE-BLANCARD : professeur des Universités
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Médias
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