CHANGE Les régimes de change
Une ou deux monnaies de réserve ?
Depuis ses débuts en 1999, l'euro est loin d'avoir détérioré le dollar : en 2000, l’euro représentait 17 p. 100 des émissions internationales d'obligations, 13 p. 100 des réserves de change des banques centrales (contre 68 p. 100 pour le dollar) ; 30 p. 100 cependant des transactions sur le marché des changes, contre 52 p. 100 pour le dollar. L'encours d'actifs financiers (actions et obligations) représentait alors 31 000 milliards de dollars aux États-Unis, 10 000 milliards de dollars dans la zone euro. En 2013, le poids de l’euro a progressé puisqu’il représente 25 p. 100 des réserves de change des banques centrales, celui du dollar a légèrement reculé, à 63 p. 100 des réserves de change. Le dollar domine donc encore largement l'euro du point de vue du rôle transactionnel des monnaies : plus de 60 p. 100 du commerce mondial est libellé et financé en dollars, moins de 15 p. 100 en euros (si on exclut les transactions intra-zone euro).
On se trouve bien dans un monde à deux monnaies de réserves internationales, mais où le rôle du dollar reste dominant. De plus, la crise de la zone euro a réduit l’attrait de l’euro pour les investisseurs internationaux. Il faut cependant s’interroger sur l’effet de l’apparition d’une monnaie de réserve supplémentaire, concurrente du dollar. Quels sont les effets de cette évolution ? La littérature économique en a repéré plusieurs.
Une plus grande volatilité des parités
Un des arguments utilisés pour défendre cette thèse de la plus grande variabilité est douteux : il s'agit d'invoquer le fait que la zone euro et les États-Unis sont des économies assez fermées (les exportations de la zone euro vers le reste du monde hors zone euro représentent 12-13 p. 100 du P.I.B.), donc où les banques centrales se soucient surtout de leurs objectifs intérieurs (croissance régulière, absence d'inflation...). C'est ce qu'on appelle le benign neglect, typique de la politique de la Réserve fédérale aux États-Unis : la banque centrale ne s'intéresse pas à l'évolution du taux de change, de la balance courante, etc. Les cycles économiques diffèrent aux États-Unis et dans la zone euro , de même que les taux d'intérêt à court terme, d'où de fortes variations de la parité dollar/euro. Cet argument est douteux parce que si l'Allemagne, qui fixait de fait le taux court européen avant l'unification, est une économie très ouverte, cette ouverture se situe vis-à-vis des autres pays européens, pas vis-à-vis du reste du monde. Les autres monnaies européennes suivaient le deutsche Mark avant 1999 ; de ce fait, l'ouverture de l'Allemagne vis-à-vis des pays non européens étant similaire à celle de la zone euro, l'évolution de la parité euro/dollar ne devrait pas être différente de celle de la parité deutsche Mark/dollar.
Un autre argument en faveur d'une volatilité accrue, dans un monde à deux monnaies de réserve, paraît plus valable : les investisseurs et des spéculateurs procèdent à des arbitrages continus entre les deux monnaies, dont les marchés seraient aussi importants et liquides, engendrant de fortes variations continues des parités. On a bien observé cette très forte volatilité du taux de change entre dollar et euro. Le taux de change dollar-euro, introduit en 1999 à 1,17, monte jusqu’à 1,60 au début de 2008 ; puis la crise conduit à une forte réappréciation du dollar, amplifiée par la crise de la zone euro, et le taux de change dollar-euro recule jusqu’à 1,20 à l’été de 2012 ; le début de résolution de la crise de la zone euro le fait ensuite remonter en 2013 au-dessus de 1,30.
Une plus grande discipline des politiques économiques
Le dollar étant la monnaie dominante, le déficit et la dette extérieurs croissants des États-Unis[...]
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Écrit par
- Patrick ARTUS : directeur des études économiques, Caisse des dépôts et consignations
Classification
Médias
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