CHANGEMENT ANTHROPIQUE DU CLIMAT
On entend par changement anthropique du climat les modifications du climat qui sont liées aux activités humaines (dites anthropiques). L’augmentation de la concentration de l’atmosphère en dioxyde de carbone (CO2) résultant de ces activités est la principale cause du réchauffement global observé depuis la fin du xixe siècle. Durant le xxie siècle, ce réchauffement pourrait être faible (inférieur à 2 0C par rapport à l’ère pré-industrielle) si les émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre (GES) sont drastiquement réduites, mais il pourrait atteindre de 3 à 5 0C si rien n’est entrepris. Plus le réchauffement est élevé, plus les changements climatiques perturberont les écosystèmes et les sociétés humaines. Le stopper nécessite de mettre en place la « neutralité carbone », c’est-à-dire une différence CO2 émis – CO2 absorbé égale à zéro. Celle-ci doit être atteinte vers 2050 pour que le réchauffement en 2100 – par rapport à l’ère préindustrielle – ne dépasse pas 1,5 0C, et vers 2070 pour le limiter à 2 0C. Ce défi nécessite des transformations rapides et majeures dans tous les secteurs d’activités et dans tous les pays. Par ailleurs, pour réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets du changement climatique, il est indispensable d’adapter les villes, les infrastructures et les territoires, en prenant en compte les connaissances sur le climat actuel et ses évolutions approchées grâce aux modèles climatiques.
Comment a-t-on pris conscience de l’effet de l’homme sur le climat global ?
Au début du xixe siècle, Joseph Fourier (1768-1830) établit que la température de la surface de la Terre dépend, d’une part, de la quantité de rayonnement solaire absorbé et, d’autre part, de la façon dont la Terre se refroidit en émettant du rayonnement infrarouge vers l’espace. Il mentionne que cette température de surface pourrait changer à cause d’une modification de la distance Terre-Soleil, des activités humaines et de phénomènes naturels. À la fin du xixe siècle, on démontre l’alternance passée de périodes glaciaires et interglaciaires et deux théories s’affrontent pour l’expliquer : l’une suppose la variation du rayonnement solaire, l’autre celle de la concentration de l’atmosphère en dioxyde de carbone (CO2), un des principaux gaz à effet de serre. On sait aujourd’hui qu’il faut prendre en compte ces deux facteurs qui jouent un rôle important dans l’évolution du climat. Svante Arrhenius (1859-1927), partisan de la seconde théorie, suppose que la concentration en CO2 a naturellement varié dans le passé et indique qu’elle pourrait changer dans le futur du fait des activités humaines, entraînant des changements de température de plusieurs degrés Celsius.
Le tournant des années 1960
L’hypothèse d’Arrhenius est d’abord vivement critiquée et il faut attendre les années 1960 pour que deux avancées scientifiques majeures viennent l’étayer. D’une part, des mesures effectuées par Charles Keeling (1928-2005) indiquent que la concentration en CO2 de l’atmosphère augmente, et il sera montré par la suite que cette hausse est due aux activités humaines. D’autre part, des calculs réalisés par Syukuro Manabe (né en 1931) – qui recevra avec Klaus Hasselmann le prix Nobel de physique en 2021, pour « la modélisation physique du climat de la Terre et pour en avoir quantifié la variabilité et prédit de façon fiable le réchauffement climatique » – révèlent qu’un doublement de la concentration en CO2 déséquilibrerait suffisamment le bilan radiatif de la Terre pour élever la température de la planète de plusieurs degrés. Les premiers modèles climatiques sont alors naissants et, en 1979, Jule Charney (1917-1981) coordonne un rapport de l’Académie nationale des sciences des États-Unis qui estime que la sensibilité climatique, c’est-à-dire l’augmentation de la température moyenne de la surface de la Terre en réponse à un doublement de la concentration en CO2 est de 3 0C ± 1,5.
L’alerte climatique
Pour estimer l’évolution passée de la moyenne des températures à la surface de la Terre, quelques équipes scientifiques entreprennent alors de regrouper et d’analyser le plus de mesures possibles, tâche difficile notamment en raison de leur nombre et de la diversité des pratiques et des techniques utilisées au fil du temps pour obtenir ces données. À partir des années 1990, il est progressivement démontré que la température moyenne de la surface de la Terre augmente et que cette évolution est essentiellement due à l’accroissement de la concentration en CO2 qui résulte de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz).
En 1988, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, IPCC en anglais pour Intergovernmental Panel on Climate Change) a été créé par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Son objectif principal est d’évaluer les travaux scientifiques sur les changements climatiques et d’en faire la synthèse. Le rôle essentiel des activités humaines dans le changement climatique en cours, un réchauffement de plusieurs degrés dans les cent prochaines années si aucune action forte n’est entreprise, et les graves conséquences qui en découlent passent progressivement de statut d’hypothèses à celui de prévisions quasi certaines au fil des rapports publiés par le GIEC. L’alerte climatique est donnée, et des travaux sur l’évaluation des possibilités d’actions pour limiter les changements futurs et s’y adapter se développent pour éclairer les choix à entreprendre.
Les négociations climatiques
Le changement climatique concernant tous les pays, des organisations internationales ont été progressivement mises en place par les États pour donner un cadre aux efforts permettant d’y faire face. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, UNFCCC en anglais pour United Nations Framework Convention on Climate Change) a été adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. Une conférence des parties prenantes à cet accord, ou COP (Conference of the Parties), se tient chaque année depuis 1995 pour faire le point sur l'évolution des connaissances scientifiques et négocier d’éventuels nouveaux accords. Le premier d’entre eux, le protocole de Kyōto, a été initié en 1997 avec pour objectif de réduire la quantité de gaz à effet de serre émis par les pays développés sur la période 2008-2012 d'au moins 5 % par rapport à leurs émissions en 1990. Cet accord a été fragilisé par le refus des États-Unis d’Amérique de le ratifier puis par le retrait du Canada en 2012. Après plusieurs années d’âpres négociations, un nouvel accord est signé lors de la COP 21 (21e Conférence des parties) à Paris en 2015 avec pour objectif à long terme de contenir l’augmentation de la température bien en dessous de 2 0C et pour cela d’atteindre la neutralité carbone dans la seconde moitié du xxie siècle. La COP 26, qui s’est tenue en novembre 2021 à Glasgow en Écosse, a finalisé les règles pour la mise en œuvre de l’« accord de Paris » (2015) et appelé l’ensemble des pays à revoir leurs ambitions dès 2022 pour les aligner avec les trajectoires de réduction d’émissions de gaz à effet de serre compatibles avec l’objectif de l’accord. La COP 26 a également mis l’accent sur les questions de financement Nord-Sud.
L’homme a-t-il déjà influencé le climat global ?
La température de surface de la Terre a toujours connu des fluctuations. Cette température s’ajuste de sorte que l’énergie que la Terre gagne par absorption du rayonnement solaire soit égale à l’énergie qu’elle perd par émission de rayonnement infrarouge vers l’espace. Le rayonnement solaire absorbé dépend du rayonnement émis par le Soleil, de la façon dont la Terre l’absorbe et le réfléchit, et de la distance Terre-Soleil. L’émission du rayonnement infrarouge dépend de la température de la Terre ainsi que de l’effet de serre auquel différents gaz contribuent même si ceux-ci sont présents à de faibles concentrations (moins de 1 %). Les principaux gaz à effet de serre sont, par ordre d’importance : la vapeur d’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), l’ozone (O3), le méthane (CH4).
Perturbations anthropiques
La concentration de l’atmosphère en CO2 est mesurée directement depuis la fin des années 1950 par prélèvement continu de l’air sur quelques sites, ces données étant complétées par des mesures satellitaires depuis les années 1990. Elle est passée de 315 parties par million en volume (ppmv ; ici, nombre de molécules de CO2 par million de molécules d’air) en 1958 à 415 ppmv en 2020. Elle est quasi uniforme sur toute la surface du globe et sur l’épaisseur de l’atmosphère. L’analyse de bulles d’air piégées dans la glace permet de remonter plus loin dans le temps et d’estimer la concentration en CO2 à différentes époques. Celle-ci a varié entre 280 et 300 ppmv au cours des 800 000 dernières années et était de 280 ppmv au début de l’ère industrielle (vers 1850). Il faut remonter au Pliocène (entre 5,3 et 2,5 millions d’années) pour retrouver des concentrations de CO2 comparables à celles d’aujourd’hui. Plusieurs méthodes (composition isotopique du carbone dans l’air, différence interhémisphérique de la concentration en CO2, estimation des différents flux de carbone, etc.) permettent de montrer sans ambiguïté que l’accroissement depuis le milieu du xixe siècle est principalement dû à la combustion d’énergies fossiles du fait des activités humaines. Environ la moitié du CO2 émis a été absorbée par l’océan et par les plantes, autrement dit l’augmentation de la concentration en CO2 serait double si ces « puits » naturels – qui stockent une partie du carbone émis – n’existaient pas. Le déséquilibre énergétique, appelé forçage radiatif, dû à cet accroissement en CO2 depuis le début de l’ère industrielle, est de 2,1 watts par mètre carré (W·m-2). C’est la plus importante des perturbations dues aux activités humaines.
Pour les autres gaz à effet de serre, la mesure du forçage radiatif pour la même période donne les valeurs suivantes : 0,55 W·m-2 pour le méthane ; 0,4 W·m-2 pour les halocarbones ; 0,4 W·m-2 pour l’ozone ; 0,2 W·m-2 pour le protoxyde d’azote. Contrairement aux autres gaz, l’ozone n’a pas une concentration uniforme dans l’atmosphère. Il se trouve principalement dans la stratosphère (ozone stratosphérique), entre 15 et 50 kilomètres d’altitude, où sa concentration a légèrement diminué, notamment au-dessus de l’Antarctique. Il est également présent près de la surface terrestre, dans la troposphère (ozone troposphérique), où sa concentration a au contraire augmenté.
Les activités humaines produisent aussi des petites particules en suspension dans l’air appelées aérosols. Ceux-ci résultent de réactions chimiques de gaz émis par les activités humaines. Les plus importants d’un point de vue climatique sont les aérosols sulfatés provenant des composés soufrés émis lors de la combustion d’énergies fossiles. Ces aérosols réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace (sinon il serait absorbé par la surface) et refroidissent la Terre. Leur forçage radiatif est donc négatif – à l’exception des aérosols contenant de la suie qui, au contraire, absorbent le rayonnement solaire. Au total, le forçage radiatif actuel de l’ensemble des aérosols est estimé à –1,1 W·m-2.
Perturbations naturelles et rétroactions
Les perturbations naturellescomme les variations de l’énergie solaire reçue par la Terre ou les éruptions volcaniques influencent également le climat. Aux échelles de temps inférieures à quelques milliers d’années, le mouvement relatif de la Terre et du Soleil change suffisamment peu pour pouvoir être considéré comme stable. La quantité d’énergie émise par le Soleil varie sur des périodes allant de quelques jours à plusieurs milliers d'années, avec un cycle de onze ans très marqué. Lors des très fortes éruptions volcaniques, une partie des aérosols qui se forment peuvent se retrouver jusque dans la stratosphère pendant des mois, voire des années. Ces aérosols réfléchissent le rayonnement solaire et ont ainsi tendance à refroidir la Terre. Ces perturbations naturelles ont influencé le climat, notamment au Moyen Âge, mais leur forçage radiatif est négligeable devant celui dû aux activités humaines à l’échelle des cent cinquante dernières années.
La vapeur d’eau et les nuages ont une très forte influence sur le bilan radiatif de la Terre, mais on ne dispose pas de mesures permettant d’estimer leur évolution avant l’ère de l’observation spatiale. Depuis la fin des années 1970, on constate une augmentation de la concentration de vapeur d’eau. Pour la couverture nuageuse globale, il n’est pas encore possible de déterminer une tendance faute de mesures précises sur une durée suffisante. La valeur moyenne et la distribution géographique de la concentration de vapeur d’eau et des nuages dépendent avant tout du climat, notamment de la circulation de l’atmosphère. Si les activités humaines peuvent avoir un effet local – via l’irrigation ou les tours de refroidissement des centrales thermiques par exemple –, elles ne modifient pas directement la distribution des nuages et de la vapeur d’eau à grande échelle, ces deux éléments faisant partie intégrante du système climatique, mais indirectement : la hausse observée de la concentration moyenne de vapeur d’eau provient de l’augmentation de la température initialement causée par celle de la concentration du CO2 et des autres perturbations anthropiques. À cela peuvent s’ajouter des variations locales dues à des changements de la circulation atmosphérique. L’ensemble produit un effet de serre additionnel de 1,5 W·m-2 environ, et donc un accroissement supplémentaire de température. On parle de rétroaction climatique, ici positive, car elle amplifie le changement de température.
Calcul de l’évolution du climat
Les modèles numériques de climat peuvent être de complexité très variée (cf. Modélisation du climat). Les plus complets – dits aussi modèles de circulation générale ou modèles du système Terre – sont composés d’un modèle atmosphérique de même type que ceux utilisés pour la prévision du temps sur quelques jours – prévision dite météorologique – couplé à un modèle de surface continentale, d’océan et de glace de mer, le tout étant adapté aux besoins des études climatiques. Ils permettent de simulerà la fois la variabilité interne du climat et la réponse du climat à des forçages, que ceux-ci soient naturels ou anthropiques. En partant d’un climat proche de celui de la période préindustrielle (1850), ces modèles indiquent une température « globalement » stable – c’est-à-dire qui peut varier d’une année sur l’autre mais sans montrer une tendance au réchauffement ou au refroidissement sur le long terme –, si l’on ne prend en compte aucun forçage, ou uniquement les forçages naturels (Soleil et volcans). En revanche, ils montrent un réchauffement proche de celui observé si les perturbations naturelles et anthropiques sont prises en considération. On calcule l’effet de chacun des forçages sur l’évolution de la température en effectuant des simulations dans lesquelles on ajoute les forçages un par un. On estime l’incertitude sur les valeurs calculées en renouvelant ces expériences numériques avec différents modèles. Le climat est un système chaotique qui fluctue même sans les forçages décrits précédemment. On estime cette variabilité interne en refaisant les simulations avec des états du climat à l’époque préindustrielle, légèrement différents. Tous ces résultats permettent de conclure que le réchauffement climatique des dernières décennies est essentiellement dû aux activités humaines. Les forçages naturels et la variabilité interne – que l’on peut regrouper sous l’appellation « variabilité naturelle » – ne jouent qu’un faible rôle.
L’importance relative de la variabilité naturelle du climat et des variations dues aux activités humaines dépend beaucoup des échelles d’espace et de temps considérées. Pour un événement climatique isolé, que ce soit une canicule ou une vague de froid, une sécheresse ou une pluie torrentielle, on ne peut pas déterminer de façon absolue s’il est dû à la variabilité naturelle ou aux perturbations anthropiques. C’est en analysant la répétition d’un type d’événement climatique que l’on peut dégager ou non une tendance et en déterminer les causes. Pour cela, des périodes d’observations d’au moins trente ans sont nécessaires, parfois plus, surtout si on s’intéresse à un événement local ou extrême.
Le réchauffement actuel (1,1 0C environ à l’échelle mondiale par rapport à 1850) est accompagné du changement de plusieurs autres variables climatiques : augmentation du niveau des mers, fonte des glaciers et de la calotte du Groenland, diminution de l’extension de la glace de mer en Arctique et baisse des surfaces enneigées, variation des précipitations, augmentation de la vapeur d’eau, etc. Et, au-delà du climat, on observe également des modifications au sein des écosystèmes.
Quelle pourrait être l’ampleur des changements climatiques futurs ?
Pour étudier les changements climatiques futurs, on utilise des scénarios décrivant l’évolution possible de nos sociétés en termes de démographie, technologies, modes de production et de consommation de biens et services, échanges internationaux, etc. À chacun de ces scénarios correspond une évolution des perturbations anthropiques (émissions de gaz à effet de serre ou de gaz chimiquement réactifs, déforestation ou reforestation, etc.). On s’intéresse à des périodes de temps de cinquante à trois cents ans, le GIEC utilisant beaucoup la période allant d’aujourd’hui à 2100. On cherche à prévoir « ce qui se passerait si » les perturbations anthropiques évoluaient de différentes façons.
Une première estimation de l’évolution future des forçages radiatifs et du réchauffement qui en résulte est généralement effectuée pour chaque scénario à partir de modèles très simplifiés : plus les perturbations sont fortes, plus les forçages radiatifs sont élevés et plus le réchauffement futur sera important. Les modèles climatiques complexes permettent d’avoir des informations plus précises et plus complètes. Ils simulent comment le temps évolue heure par heure et sur toute la surface du globe : température, pluie, neige, vent, nuages, ensoleillement, etc. Comme ils sont coûteux en ressources informatiques et difficiles à mettre en œuvre, ils ne sont utilisés que pour un sous-ensemble de scénarios représentatifs (typiquement 3 à 5).
L’utilisation et l’interprétation de ces simulations climatiques nécessitent une analyse critique pour deux raisons principales. La première est que le climat n’est pas parfaitement prévisible : il existe des fluctuations aléatoires du fait de sa variabilité interne. Les vagues de froid qui sévissent épisodiquement malgré le réchauffement global sont une illustration de cette variabilité interne. La seconde raison est que les modèles de climat présentent des défauts et des limitations intrinsèques. Le travail d’analyse repose sur l’utilisation de différents modèles climatiques, de considérations théoriques, d’études paramétriques, de comparaisons entre modèles et observations pour le climat actuel, son évolution récente et celle passée (paléoclimats).
Changements climatiques selon différents scénarios d’évolution des sociétés
On sait, de façon fiable, que le réchauffement actuel se poursuivra si les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître et que, pour limiter ce réchauffement à moins de 2 0C, il est nécessaire de réduire très fortement et très rapidement ces émissions. L’évolution de la moyenne des températures à la surface de la Terre a été estimée selon des scénarios très différents. Pour chacun d’eux, le réchauffement est estimé avec une incertitude d’environ ± 30 % liée aux rétroactions climatiques, c’est-à-dire à la façon dont le climat amplifie (rétroaction positive) ou atténue (rétroaction négative) l’effet des perturbations anthropiques. Par exemple, comme la vapeur d’eau est le principal gaz à effet de serre, une augmentation de sa concentration à cause d’une élévation de la température va accroître cet effet de serre et donc la température de la Terre. C’est un exemple de rétroaction positive, de même que celle liée à la fonte des neiges et de la glace de mer – rétroaction de l’albédo (fraction de l’énergie solaire réfléchie par la surface de la Terre, celle-ci étant plus élevée pour les surfaces claires) – ou à la diminution de l’absorption du CO2 par les océans et la végétation. Une rétroaction importante, celle due aux nuages est particulièrement difficile à évaluer, même si des travaux récents montrent qu’elle est positive.
Les changements de température à la surface de la Terre ne sont pas uniformes. Par rapport à la moyenne globale, l’augmentation de température est plus importante sur les continents (50 à 100 %) et beaucoup plus forte encore dans la région arctique (100 à 300 %). Ces valeurs élevées sont dues à des variations spatiales des rétroactions. Sur les continents, cela provient notamment de la diminution du refroidissement par évaporation à cause de l’assèchement des sols. Dans la région arctique, la raison principale est l’augmentation du rayonnement solaire absorbé en raison de la diminution de la surface couverte par de la neige et de la glace de mer (diminution de l’albédo de surface).
Le réchauffement varie également en fonction des saisons. En Europe par exemple, il est plus élevé en été qu’en hiver. Un réchauffement au niveau mondial de 4 0C, qui pourrait être atteint à la fin du xxie siècle en l’absence de politique climatique, se traduirait par un réchauffement moyen de 8 0C en France en été, et jusqu’à plus de 10 0C pour les étés caniculaires. Par comparaison, en 2003, année de canicule, le réchauffement moyen pendant l’été a atteint 4 0C en France.
Les changements futurs au regard des changements passés
Des modifications du climat dues à la variabilité naturelle (variabilité interne au climat, effets des volcans et variations de l’éclairement solaire) ont existé dans le passé. À l’échelle humaine, par exemple, on estime que la température moyenne pendant l’optimum climatique médiéval (xe-xiie siècle) était de 0,2 0C ± 0,2 plus élevée qu’en 1850 et que, lors du petit âge glaciaire qui a suivi, elle était de 0,1 0C ± 0,2 plus basse qu’en 1850 (c’est-dire de l’ordre de 1,2 0C ± 0,2 plus froide qu’aujourd’hui). Ces faibles différences de la température moyenne étaient vraisemblablement dues à de grosses éruptions volcaniques et des variations du rayonnement solaire. Elles étaient probablement plus marquées en Europe.
Au cours du dernier million d’années, il y a eu une alternance de périodes glaciaires et interglaciaires (cf. Paléoclimatologie). Lors des périodes glaciaires, le nord de l’Amérique et de l’Europe était recouvert d’énormes calottes de glace de deux à trois kilomètres d’épaisseur ; la température globale était 4 à 5 0C plus froide et le niveau des mers 120 mètres plus bas que lors des périodes interglaciaires, comme celle dans laquelle nous nous trouvons. La végétation était aussi très différente. Ainsi, l’accroissement de température de 4 0C, qui pourrait être atteint à la fin du xxie siècle en l’absence de politique climatique est comparable à celui qui a eu lieu à la fin des périodes glaciaires. On sait par ailleurs que les réchauffements ont été accompagnés de changements environnementaux majeurs (niveaux des mers, faune, flore, etc.) ; le réchauffement prévu aura des conséquences encore plus importantes du fait de sa rapidité.
Comment le changement climatique affecte-t-il les sociétés humaines et les écosystèmes ?
Des changements dans les écosystèmes ont été observés ces dernières décennies, dont certains sont principalement dus au réchauffement en cours : dates de floraison et de nidification plus précoces, déplacements géographiques d’espèces animales vers des latitudes plus hautes ou des altitudes plus élevées (pour les écosystèmes montagnards), changements des périodes et des lieux de migrations, dépérissement des coraux, etc. On s’attend à ce que ces changements augmentent dans les prochaines années même si les estimations sont difficiles à élaborer. En effet, des changements climatiques d’une telle ampleur n’ont jamais existé depuis que l’homme s’est sédentarisé et a développé l’agriculture il y a environ 15 000 ans, et a fortiori depuis que l’homme écrit ou fait des mesures. Ces estimations reposent donc entièrement sur des simulations – appelées projections – obtenues à partir de modèles climatiques qui ont des limites et des défauts, et doivent être accompagnées d’un important travail critique sur leur pertinence et leur robustesse. On se place en général dans le cadre d’une analyse de risque, c’est-à-dire que l’on considère à la fois la probabilité des événements mais aussi leur gravité. On prend en compte les événements les plus probables, mais aussi les événements très incertains qui auraient des effets majeurs.
Les changements climatiques prévus
De nombreuses études montrent que les impacts du changement climatique augmentent avec l’élévation de la température moyenne de la surface de la Terre, et c’est pourquoi cette grandeur est utilisée comme indicateur du changement climatique. De façon générale, on observe que l’accroissement local de la température est plus fort en été qu’en hiver et que la fréquence des canicules augmente. Par ailleurs, le nombre de jours de gel tend à diminuer et la neige est moins longtemps présente quand elle ne disparaît pas totalement de certaines zones où on l’observait auparavant. L’épaisseur de glace de mer en Arctique diminue et disparaîtra totalement en été si le réchauffement global dépasse 3 0C. Le contraste entre les régions ou entre les périodes sèches et humides a tendance à croître. L’intensité maximale des pluies augmente, mais pas forcément leur fréquence. Si ces changements importants du cycle hydrologique sont bien modélisés et compris à l’échelle globale, leur répartition géographique l’est moins du fait d’interactions avec les phénomènes locaux, d’une part, et avec la circulation atmosphérique à grande échelle, d’autre part.
On prévoit que le niveau des mers, qui s’est élevé de 15 centimètres au cours du xxe siècle, va augmenter de 30 centimètres à 1 mètre pendant le xxie siècle. Cet accroissement est dû, pour moitié environ, à la dilatation de l’eau en raison du réchauffement et, pour l’autre moitié, à l’augmentation de la masse des eaux océaniques du fait de la fonte des glaciers et des calottes polaires, principalement du Groenland. Il se prolongera pendant plusieurs centaines d’années du fait de la très forte inertie de l’océan, des glaciers et des calottes. Les terres les plus basses – notamment les zones de delta très peuplées et aux sols très fertiles – subiront salinisation et submersion. Au-delà de ces prévisions fondées sur des phénomènes bien compris, il y a la possibilité que certaines parties des calottes glaciaires soient instables, ce qui conduirait à une diminution plus soudaine et plus forte que prévu de ces dernières, et donc à un accroissement plus rapide et plus important du niveau des mers. Même si l’on considère que ce phénomène est peu probable au regard des connaissances actuelles, ses conséquences seraient dramatiques : on estime qu’une fonte totale du Groenland et de l’Antarctique entraînerait une élévation du niveau des mers respectivement de 6 et 60 mètres.
Les risques futurs
Ces effets sur les températures, les précipitations et le niveau des mers vont amplifier les risques existants pour les écosystèmes et les sociétés humaines et en engendrer de nouveaux. Ces risques sont évalués en s’appuyant sur des projections (simulations modélisées des impacts futurs du changement climatique). Celles-ci se fondent sur des scénarios d’émissions futures représentant un éventail des possibles, depuis des scénarios d’émissions mondiales croissantes sur l’ensemble du xxie siècle jusqu’à des scénarios de réductions rapides des émissions.
De nombreuses espèces végétales et animales sont exposées à des risques accrus car elles n’ont pas la capacité naturelle de modifier leur extension géographique suffisamment vite pour suivre les rythmes élevés de changement climatique dans la plupart des projections. Les écosystèmes les plus sensibles, comme les récifs coralliens, subissent de fortes dégradations dans l’ensemble des projections et risquent de disparaître pour des réchauffements supérieurs à 2 0C.
La réduction de la biodiversité marine dans les régions sensibles aura une incidence sur la productivité de la pêche. En l’absence d’actions d’adaptation, les rendements de certaines cultures, notamment celles du blé, du riz et du maïs dans les régions tropicales et tempérées diminueront. Ainsi le changement climatique engendre des risques pour la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, d’autant plus élevés que le niveau de réchauffement sera important.
Les projections des impacts futurs du changement climatique montrent également des risques accrus pour les populations humaines, les infrastructures et les activités économiques, découlant notamment du stress thermique lors des canicules, des précipitations extrêmes et des inondations, des sécheresses, de l’élévation du niveau de la mer. Ces risques sont distribués de façon inégale : certaines zones sont plus exposées, par exemple les zones côtières ou les zones déjà chaudes et arides. Par ailleurs, la vulnérabilité des populations humaines dépend de leurs moyens économiques, de leur accès aux infrastructures et aux services essentiels, etc.
Plus la température moyenne de la surface de la Terre sera élevée, plus les risques pour les écosystèmes et les sociétés humaines augmenteront, et avec eux la probabilité de conséquences graves, généralisées et irréversibles.
Comment limiter les changements climatiques futurs ?
Le réchauffement climatique étant causé par l’accumulation dans l’atmosphère de gaz à effet de serre d’origine anthropique, limiter les changements futurs implique de réduire à l’échelle mondiale les émissions de ces gaz. Tant que le bilan CO2 émis–CO2 absorbé – ou émissions « nettes » – ne sera pas égal à zéro (ce que l’on appelle la neutralité CO2), la concentration de ce gaz dans l’atmosphère augmentera et le réchauffement climatique se poursuivra. La diminution des émissions anthropiques d’autres gaz à effet de serre (méthane, protoxyde d’azote…) constitue aussi un objectif.
Les trajectoires d’atténuation du changement climatique
Les trajectoires d’émissions mondiales futures compatibles avec un objectif de stabilisation du réchauffement global – que ce soit + 1,5 0C ou + 2 0C par rapport à l’ère préindustrielle – impliquent toutes des réductions d’émissions rapides et l’atteinte de la neutralité CO2 dans le courant du xxie siècle. Pour un réchauffement limité à 1,5 0C, les émissions de CO2 devront être réduites de près de 50 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2010 ; pour un objectif de + 2 0C, elles devront diminuer de 25 %. À plus long terme, la neutralité CO2 doit être atteinte autour de 2050 pour l’objectif à + 1,5 0C, et vers 2070 pour + 2 0C.
Atteindre cette neutralité carbone nécessite deux types d’actions : des transformations rapides et majeures dans tous les secteurs pour réduire les émissions ; des absorptions de CO2 pour contrebalancer les émissions résiduelles.
Des transformations pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
En 2019, les émissions mondiales de gaz à effet de serre étaient d’environ 59 milliards de tonnes équivalent CO2. Environ 65 % proviennent de la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz dit « naturel »), le reste correspondant à des émissions de CO2 dues à certains procédés industriels (fabrication du ciment par exemple), à des changements d’usage des sols – dont la déforestation – et à des émissions d’autres gaz à effet de serre (méthane, protoxyde d’azote, hydrofluorocarbures, etc.). Les principaux secteurs concernés sont ceux de l’énergie – au premier rang duquel la production d’électricité et de chaleur (environ 34 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre) –, de l’industrie (environ 24 %), des transports (environ 15 %), du chauffage et de la climatisation des bâtiments (environ 6 %). L’agriculture, la foresterie et les changements d’usage des sols, dont la déforestation, représentent environ 22 % des émissions de GES mondiales, avec des émissions de méthane (élevage de ruminants principalement), de protoxyde d’azote (engrais azotés) et de dioxyde de carbone (déforestation notamment). En France, l’ordre des grands secteurs émetteurs de gaz à effet de serre est différent : le secteur des transports arrive en tête (environ 30 % des émissions, dont la moitié correspond aux voitures particulières), suivi par l’agriculture, l’industrie et les bâtiments, qui représentent chacun près de 20 % du total. En 2019, les émissions sur le territoire français s’élevaient à environ 436 millions de tonnes équivalent CO2. L’empreinte carbone du pays, qui mesure les émissions liées à la consommation des biens et services des Français en comptabilisant les importations et les exportations, est environ 50 % plus élevée que les émissions territoriales.
Toutes les activités humaines, quel que soit le secteur, sont donc concernées par l’objectif de réduction des émissions. L’atteinte de la neutralité CO2 demande des transformations majeures et rapides de tous les grands systèmes : énergétiques, alimentaires, d’infrastructures, de villes et d’usages des sols. Toute émission supplémentaire dans un secteur impose une réduction plus grande dans un autre secteur, ou davantage d’absorption par les puits de carbone.
Les solutions d’atténuation
Les moyens pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont connus. Ils portent à la fois sur les modes de production (remplacement de centrales électriques fonctionnant à l’énergie fossile par des énergies renouvelables, amélioration de l’efficacité énergétique des procédés industriels, transformation des pratiques agricoles, etc.) et de consommation – régimes alimentaires moins carnés, réduction des distances parcourues dans les modes de transport les plus émetteurs (avion et voiture individuelle). Certaines options sont d’ordre technologique (véhicules électrifiés, pompes à chaleur…), tandis que d’autres relèvent davantage de comportements et de modes de vie (régimes alimentaires, choix de consommation…).
Le cadre « Éviter, transformer, améliorer » peut être utilisé pour classifier les différentes options d’atténuation. Par exemple, les émissions du secteur des transports – environ 15 % du total des émissions au niveau mondial, 30 % au niveau français – peuvent être réduites :
– en évitant certains déplacements (télétravail, choix de biens produits à proximité pour l’approvisionnement des entreprises ou la consommation des ménages…) ;
– en transformant les modes de déplacement (recours au train plutôt qu’à l’avion, aux transports en commun ou au vélo plutôt qu’à la voiture ; ce qui transforme les services de mobilité vers des modes de déplacement plus sobres en émissions) ;
– en améliorant l’efficacité énergétique des modes de transport (allègement du poids des véhicules pour une consommation moindre, covoiturage, meilleur taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises…) et le contenu carbone des modes des énergies utilisées (développement de véhicules électriques, à condition que la production d’électricité ne soit pas issue d’énergies fossiles).
Au vu de l’enjeu de la neutralité CO2, aucune option d’atténuation seule ne peut suffire mais c’est bien la mobilisation de l’ensemble des leviers qui est nécessaire.
À titre individuel, les actions d’atténuation peuvent suivre la réalisation d’un bilan carbone, qui quantifie les émissions liées aux différentes activités (se loger, se déplacer, se nourrir…), pour connaître les leviers d’action les plus importants (isoler son logement, changer ses modes de déplacement, etc.). Mais les actions d’atténuation relèvent largement de choix collectifs et structurels sur les façons dont sont organisés les villes et les territoires, les infrastructures, les structures économiques et les politiques publiques de régulations et d’incitations à toutes les échelles territoriales.
Pour atteindre la neutralité CO2, l’absorption du dioxyde de carbone par des puits joue également un rôle. En effet, certaines émissions sont particulièrement difficiles à éviter (dans certains procédés industriels, dans l’aviation, etc.), si bien que même avec les transformations majeures de tous les secteurs évoqués ci-dessus, il subsistera des émissions résiduelles qui devront être contrebalancées par des absorptions de CO2 via des « puits de carbone ». Celles-ci peuvent passer par la reforestation, par des pratiques de gestion des stocks de carbone dans les sols (par exemple, des pratiques agricoles de moindre labour, des cultures de couverture, etc.), par des technologies de capture et stockage du carbone dans des réservoirs géologiques. Ces différents types de « puits » ont des potentiels différents, mais limités. De plus, le déploiement à grande échelle de certains d’entre eux (ceux qui impliquent des compétitions d’usage de sols) aurait des effets négatifs sur la biodiversité et la sécurité alimentaire notamment. Ainsi, supposer qu’on puisse stabiliser la concentration des gaz à effet de serre en compensant des émissions par des absorptions et en retardant la réduction des émissions apparaît comme un pari risqué. C’est contraindre les générations futures à développer des puits à grande échelle (avec les risques que cela comporte) ou, en cas d’échec de cette solution, à subir des impacts plus importants du changement climatique.
Les actions mises en œuvre devront être adaptées aux spécificités des pays, des territoires ou des secteurs. Ainsi la vitesse et la façon dont les émissions seront réduites dans les différents pays du monde devraient dépendre de différents facteurs : de leurs responsabilités dans le changement climatique, de leurs potentiels de réduction des émissions et de développement de puits de carbone sur leurs territoires, de leurs niveaux de développement et de leur capacité à agir et à financer les actions d’atténuation. Pour autant, le changement climatique étant un problème global – les émissions de gaz à effet de serre ayant lieu à un endroit ou un autre ont le même effet –, l’atténuation nécessite l’action de tous les pays du monde et une coopération internationale renouvelée et approfondie, ainsi que le changement de nos modes de vie.
Comment s’adapter à ce changement climatique ?
L’adaptation au changement climatique désigne les stratégies, initiatives et mesures visant à réduire les risques pour les systèmes naturels et humains dus au changement climatique.
Du fait de l’inertie du système climatique, et en raison des concentrations de gaz à effet de serre déjà présentes dans l'atmosphère, la tendance au réchauffement global va se poursuivre inéluctablement dans les deux ou trois prochaines décennies, tandis que l’ampleur du changement climatique à échéance plus lointaine dépendra fortement des futures émissions de gaz à effet de serre. Dès lors, les stratégies d’adaptation doivent prendre en compte les connaissances sur les risques climatiques actuels et pour un futur proche, mais aussi les incertitudes quant aux effets locaux du changement climatique sur les horizons plus lointains.
L’adaptation peut passer par des mesures pour réduire l’exposition aux aléas climatiques et aux impacts du changement climatique. On peut envisager par exemple des mesures de protection de zones menacées par la montée du niveau de la mer ou la relocalisation de certaines activités hors de ces zones. Il peut également s’agir de mesures pour réduire la vulnérabilité des territoires ou des personnes. Par exemple, diversifier les activités dont dépend un territoire ou un individu diminue la fragilité si l’une d’elles, comme l’agriculture, est fortement impactée par le changement climatique.
Il n'existe pas d'approche unique de réduction des risques adaptée à tous les contextes, et les stratégies d’adaptation sont spécifiques à chaque territoire et situation. Pour autant, certains principes généraux peuvent être retenus.
Enjeux pour l’adaptation
Tout d’abord, un premier pas vers l'adaptation au changement climatique futur consiste à réduire la vulnérabilitéet l'exposition à la variabilité climatique actuelle. En effet, nos économies et nos sociétés sont fragiles vis-à-visd’événements climatiques extrêmes (inondations, vagues de chaleur, cyclones…). Améliorer les systèmes de gestion de crise, renforcer les infrastructures, etc., contribue à l’adaptation au changement climatique futur.
Ensuite, les différents niveaux de gouvernance jouent des rôles complémentaires. À l’échelle internationale, il s’agit d’organiser la solidarité entre pays à travers le financement international des actions d’adaptation – les États les plus pauvres et ayant le moins contribué à l’accumulation de gaz à effet de serre sont bien souvent les plus exposés et les plus vulnérables à ses impacts. À l’échelle nationale, les gouvernements peuvent organiser ou coordonner les efforts d'adaptation aux échelons infranationaux. Par exemple, ils peuvent protéger les groupes vulnérables et fournir des informations, des cadres politiques et juridiques et un soutien financier. Les gouvernements locaux, le secteur privé et la société civile sont également essentiels pour progresser en matière d'adaptation, étant donné leur rôle sur le terrain dans la mise en œuvre des politiques et mesures.
Il existe des enjeux spécifiques pour les villes. La densité du bâti et les sols artificialisés, souvent de couleur sombre, créent ce que l’on appelle l’effet « îlot de chaleur urbain » qui augmente l’intensité des vagues de chaleur – supérieures de plusieurs degrés en ville par rapport à la campagne environnante. La climatisation électrique peut apporter un rafraîchissement. Cependant, cette solution est vulnérable aux pannes de courant et n’est pas accessible à tous, notamment aux personnes travaillant en extérieur et à celles qui n’ont pas les moyens de la financer. De plus, les systèmes de climatisation rejettent de la chaleur à l’extérieur, ce qui accentue l’effet d’îlot de chaleur urbain. C’est pourquoi d’autres types de solutions doivent être mobilisés : aménagement d’espaces verts publics, végétalisation des toits, réouverture des cours d’eau qui ont parfois été recouverts pour y faire passer des routes, désartificialisation des sols…
Penser adaptation et atténuation conjointement
L’adaptation, une des réponses au changement climatique, est bien sûr complémentaire des mesures d’atténuation et ne saurait constituer l’unique solution. Plus les émissions seront faibles, plus le changement climatique sera limité, et moins il y aura de risques de dépasser des limites à l’adaptation. D’une part, des changements trop rapides peuvent constituer une limite à l’adaptation. Par exemple, l’adaptation d’un écosystème forestier au changement climatique est contrainte par la vitesse de croissance et de remplacement des arbres. D’autre part, des changements de grande ampleur peuvent dépasser certains seuils et ainsi limiter les possibilités d’adaptation. Pour des niveaux élevés de réchauffement global, de larges zones continentales se retrouveraient avec des conditions de température et d’humidité extrêmes – insupportables pour les humains, qui ne pourraient pas vivre en l’absence de systèmes de climatisation – pendant une partie importante de l’année.
Par ailleurs, il existe des synergies, mais aussi des antagonismes, entre actions d’adaptation et d’atténuation. Par exemple, la protection des écosystèmes contribue à la fois au stockage de carbone dans ceux-ci et à d’autres services écosystémiques qui peuvent être bénéfiques pour l’adaptation, comme les mangroves qui protègent les côtes des risques de submersion marine ou encore la végétalisation des villes qui apportent de la fraîcheur. À l’inverse, l’exemple cité plus haut du développement de la climatisation électrique, consommatrice d’énergie et émettrice d’hydrofluorocarbures (HFC), illustre un cas d’antagonisme entre adaptation et atténuation.
Risques climatiques futurs et actions d’atténuation et d’adaptation
Les projections qui explorent l’ensemble des trajectoires possibles en termes d’émissions de gaz à effet de serre futures, de changements climatiques associés et des risques climatiques qui en découlent, montrent que des actions d’atténuation et d’adaptation sont urgentes et qu’elles détermineront les risques climatiques auxquels l’humanité devra faire face. Les changements climatiques à l’horizon de 2030-2040 sont inéluctables en raison des gaz à effet de serre déjà accumulés dans l'atmosphère. S’y adapter est nécessaire. Pour le plus long terme, seule la réduction rapide des émissions mondiales de ces gaz est à même de limiter l’augmentation de température en dessous de 2 0C. L’action est urgente pour éviter les risques de températures plus élevées.
Bibliographie
Académie des sciences, « Face au changement climatique, le champ des possibles », in Comptes Rendus Géoscience, t. 352 no 4-5, 2020 (https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/geoscience/issues/CRGEOS_2020__352_4-5/)
S. C. Aykut & A. Dahan, Gouverner le climat ?, Les Presses de Sciences Po, 2015
J.-B. Fressoz & F. Locher, Les Révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique (xve-xxe siècle), Seuil, Paris, 2020
C. de Perthuis, Le Tic-tac de l'horloge climatique, De Boeck Supérieur, 2019
G. Ramstein & S. Huet, Le Climat en 100 questions, Tallandier, 2020.
Sites internet
GIEC, Rapports et publications, www.ipcc.ch
HCC, Rapports et publications, www.hautconseilclimat.fr
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Écrit par
- Jean-Louis DUFRESNE : directeur de recherche au CNRS
- Céline GUIVARCH : directrice de recherche à l'École des Ponts
Classification
Médias