CHANGEMENT CLIMATIQUE ET ÉVÉNEMENTS MÉTÉOROLOGIQUES MAJEURS
Les rouages des extrêmes
L’étude des extrêmes climatiques nécessite une vision globale des phénomènes qui nous touchent. Par exemple, une tempête ne peut pas être décrite simplement par les ravages qu’elle cause à un endroit donné. Les tempêtes qui touchent l’Europe naissent entre le Labrador et le sud-ouest du Groenland. Elles se déplacent ensuite vers l’est, traversent le nord de l’Atlantique et déferlent en Europe. Donc les tempêtes qui arrivent en France en hiver pendant quelques heures ou quelques jours, et y meurent, ont eu une vie lors de leur traversée du nord de l’Atlantique. Les météorologues scrutent ces trajectoires avec des réseaux de mesures perfectionnés pour prévoir au mieux les conséquences une fois que la tempête touche terre.
De même, on ne peut pas comprendre une vague de chaleur à Paris sans étudier la situation météorologique qui prévaut à des centaines, voire des milliers, de kilomètres de l’Île-de-France. Les fortes températures en été sont liées à des mouvements de masses d’air qui favorisent un ciel clair et peu de vent (ou venant du sud). Ces types de mouvements atmosphériques ont une étendue spatiale de plusieurs milliers de kilomètres de rayon, alors que le maximum d’intensité peut être focalisé sur une région française de manière aléatoire. Ainsi, la vague de chaleur de l’été de 2003 a principalement touché le centre et l’ouest de la France (même s’il a fait très chaud autour de la Méditerranée), mais une pichenette climatique aurait pu pousser ce maximum vers la Suisse ou l’Allemagne, de quelques centaines de kilomètres, autant dire rien à l’échelle de la planète… et les conséquences humanitaires, économiques et politiques en France auraient été toutes différentes !
Les conditions tempétueuses
Si on étudie la forme des cartes de pression autour de l’Atlantique nord de décembre à février, on s’aperçoit que la majorité de ces cartes ressemblent à un cas parmi quatre [Corti et al., 1999 ; Michelangeli et al., 1995].
La première situation (phase négative de l’oscillation Nord-Atlantique : NAO) présente une faible différence de pression entre le Portugal et l’Islande, avec une dépression au sud du Groenland. Ce genre de situation apporte de l’air humide et froid en France. C’est ce qui est arrivé pendant l’hiver de 2010, avec des précipitations neigeuses exceptionnelles en France et en Amérique du Nord [Cattiaux et al., 2010]. La deuxième situation est une dorsale nord-atlantique (Atlantic Ridge, AR), avec une zone de haute pression au milieu de l’Atlantique nord. Cette situation transporte de l’air polaire sur l’Europe, et souvent de la neige, comme cela s'est produit à la fin du mois de décembre 2014. La troisième situation est un blocage scandinave (BLO) ; la haute pression s’étend jusqu’au sud et à l’ouest de l’Europe. C’est une situation sans vent (peu de différences de pression) et généralement froide et sèche. La quatrième situation est une circulation atmosphérique d’ouest en est très intense (dite zonale, ZO). Cette situation est pratiquement l’inverse du régime NAO (anticyclone des Açores et dépression islandaise amoindris), et apporte de l’air humide sur la France. Le régime zonal correspond aux plus forts gradients de pression au sud du Groenland, et à une accélération des vents [Hurrell et al., 2003]. Les tempêtes qui naissent dans l’est du Canada, traversent l’Atlantique nord et arrivent en Europe ont toujours lieu pendant le régime « zonal ». L’hiver de 2013-2014 a connu un record d’occupation de ce régime zonal : un grand nombre de tempêtes extratropicales ont touché l’Angleterre, la France et l’Allemagne, en battant des records de précipitations hivernales dans le sud de l’Angleterre et en Bretagne.
La naissance des canicules
Les canicules en Europe de l’Ouest sont souvent accompagnées de sécheresses[...]
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Écrit par
- Pascal YIOU : chercheur au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
Classification
Médias