CHANGEMENT CLIMATIQUE ET ÉVÉNEMENTS MÉTÉOROLOGIQUES MAJEURS
Les enjeux de recherche sur des extrêmes climatiques
Si on inscrit les événements climatiques récents dans une perspective historique, on voit qu’il y a toujours eu des phénomènes extrêmes ; on peut se dire qu’il n’y a pas de raison que cela s’arrête. La question est de savoir si le rythme de l’évolution varie au cours du temps. Les extrêmes dus à la température sont très liés à la température moyenne, laquelle augmente depuis le début du xxe siècle, et continuera à augmenter au cours du xxie [Field et al., 2012]. Cependant, les mécanismes qui relient la température moyenne aux températures des événements extrêmes ne sont pas élucidés ; les canicules ou vagues de froid extrêmes résultent d’abord de combinaisons entre des circulations atmosphériques favorables (qui dépendent peu de la température) et des conditions hydriques (qui ont une dépendance complexe à la température). Il n’y a pas de tendance particulière sur le nombre de tempêtes qui touchent les continents, ni sur leur intensité. En revanche, plusieurs considérations thermodynamiques (la relation de Clausius-Clapeyron) permettent d’estimer qu’un climat plus chaud conduit à des précipitations plus intenses [Field et al., 2012].
Un nouvel enjeu scientifique, à la charnière entre sciences du climat et statistiques, consiste à déterminer si la probabilité d’occurrence d’un événement extrême (comme la canicule de 2003 en France, ou les inondations en Angleterre en 2014) dépend de facteurs externes, comme l’activité solaire, le volcanisme ou l’activité humaine. Cette recherche consiste à déterminer en quoi un événement est exceptionnel, au sens des probabilités (la détection), puis à examiner les facteurs physiques qui rendent plausibles l’apparition de ce phénomène (l’attribution). De tels exercices sont très coûteux à effectuer ; ils ont donné des réponses positives concernant les activités humaines pour la canicule de 2003 [Stott et al., 2012] et les inondations en Angleterre en 2000 [Pall et al., 2011]. La science de la détection-attribution fait l’objet d’un chapitre des rapports du G.I.E.C., depuis sa création [Bindoff et al., 2013 pour le dernier rapport du G.I.E.C.]. Les outils statistiques, les observations et les modèles n’ont cessé de s’affiner au cours des dernières décennies, pour pouvoir donner des réponses à ces questions.
À l’heure actuelle, le défi posé à la communauté des climatologues consiste à coupler leurs connaissances sur l’évolution du climat à des questions de société, que l’on regroupe sous le terme général « d’impacts ». Quel est l’impact d’une évolution des extrêmes sur l’agriculture, sur l’assurance (et la réassurance), sur la santé, sur les normes de construction ? Ce défi nécessite une étroite collaboration sur des questions scientifiques très complexes, entre des secteurs qui se sont ignorés pendant des décennies : la recherche académique et les décideurs publics ou privés. Les prochaines années verront certainement des transformations dans les relations qu’entretiennent les chercheurs avec la société. Il sera nécessaire d’être vigilant sur la qualité de la recherche fondamentale afin d’assurer la pérennité de ces relations [Euzen et al., 2013].
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Écrit par
- Pascal YIOU : chercheur au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
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Médias