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CHANSON FRANÇAISE

Au tournant du XXe siècle

On ne pouvait imaginer que l'introduction du jazz dans la chanson française des années 1930 allait régénérer l'écriture de celle-ci. On ne peut pas plus deviner que l'importation du rap américain va ramener le sens dans la chanson. En même temps qu'une loi de quotas pour les radios est votée – au Québec, elle a sauvé l'expression francophone –, le rap français impose des textes qui parlent du quotidien, qui dénoncent, qui revendiquent.

Un autre mouvement, dit « alternatif », essaie de s'éloigner du modèle américain et de se réinventer un arbre généalogique, en se réappropriant l'accordéon et la chanson populaire des années 1920. Confrontés à un show-business hostile, Les Têtes raides, apparus en 1988, mettront vingt ans à imposer leur « java-rock », tout comme leurs amis de La Tordue, formée en 1989, ou les Rita Mitsouko. Et un groupe qui semblait pourtant bien parti, dès 1987, Les Négresses vertes, connaîtra rapidement la déconfiture.

À côté de la chanson « médiatique », qui peut friser des abîmes de nullité (le boys band des 2Be3 !), une chanson de qualité résiste : Allain Leprest le maudit, Gilbert Lafaille, Michèle Bernard, Véronique Pestel... Les parcours sont cependant difficiles : même avec un réel soutien du public, l'inclassable Juliette et son bagage musical sérieux devra patienter vingt ans avant qu'une grande maison de disques la prenne sous contrat.

La nouvelle génération du xxie siècle éprouve moins de complexes à l'égard de la chanson anglo-saxonne, mais présente des problèmes d'identité. La vogue des musiques du monde a rappelé qu'on pouvait avoir du talent en espagnol, en arabe ou en wolof, pas uniquement en anglais. Et c'est une nouvelle explosion de chansons qui racontent des histoires, à la limite de la chanson de chansonnier des années 1930 : Vincent Delerm, Bénabar, Jeanne Cherhal... Les enfants des soixante-huitards détestent la rhétorique : sous l'égide de Dominique A, une nouvelle école se dessine, volontiers minimaliste, avec moins d'emphase, de la sobriété. Une Camille s'impose par son talent musical, ses textes originaux et sa présence scénique. Un nouveau tabou tombe : les enfants des émigrés ont le droit d'aborder la chanson et ne sont plus cantonnés dans les genres « exotiques » comme le rap ou le rhythm and blues (Ridan).

L'abandon programmé du CD et le téléchargement des albums remettent les chanteurs de scène en avant. Ils foisonnent : tout un chacun peut mettre son clip sur des sites Internet comme MySpace et rêve de devenir chanteur professionnel. Mais il faut compter avec les médias, leur idéologie où la notoriété prime sur le talent et le travail, cette volonté de vouloir créer des idoles à partir de rien, ce cynisme qui pousse à toujours jouer sur le conflit des générations. De même, pour des questions financières, les maisons de disques invitent les chanteurs à écrire textes et musique. Loin de la France métropolitaine suivons des trajectoires exemplaires : celle du Québécois Richard Desjardins, révélé par un album autoproduit lancé en 1987, Les Derniers Humains, qui impose son parler régional au milieu de chansons en français « international », et met entre parenthèses son statut de vedette pour réaliser des documentaires ; celle du Congolais Zao, dont le premier album, Ancien Combattant (1984), est devenu un classique ; sa chanson L'Aiguille (2006) témoigne de l'atroce guerre civile que connut son pays, et appelle à la réconciliation. Il y a encore place pour de grandes chansons.

— Hélène HAZERA

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Maurice Chevalier - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maurice Chevalier

Mistinguett - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Mistinguett

Joséphine Baker - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Joséphine Baker

Autres références

  • ARRANGEURS DE LA CHANSON FRANÇAISE

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    Arrangeurs ! Ce mot étonnant...

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