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CHANT

Le chant est d'abord expression naturelle de l'être humain, que la voix soit belle ou non, éduquée ou non. Qu'il soit plaisir pur, qu'il ait vocation cultuelle, esthétique ou cathartique, qu'il se réclame de traditions millénaires ou des formes policées de l'art classique, le chant est à la fois sonorité pure et véhicule de pensée, encore que le mot, onomatopée domestiquée, soit lui-même pensée et sonorité pure, ainsi que l'exprime Marcel Beaufils dans Musique du son, musique du verbe. Mêlant donc l'incantation à la récitation, la magie à la raison, le dionysiaque à l'apollinien, qu'il soit savant ou intuitif, le chant est fonction de la langue parlée : il en est plus proche dans les civilisations linguistiques de type magique (langues asiatiques, méditerranéennes, etc.) alors qu'il peut apparaître comme une création plus arbitraire, offrant un plaisir moins immédiat, dans les civilisations nordiques et rationnelles aux langues moins accentuées.

Par ailleurs, le larynx, qui, de tous les facteurs concourant à la phonation, est celui qui donne au chant toute sa personnalité, est défini comme un organe sexuel, sa détermination première, sa croissance et ses anomalies étant étroitement fonction du système génital. On comprend donc à quel point le chant reflète le plus profond de l'être, et pourquoi il est appelé à séduire, au sens le plus large du terme, qu'il s'agisse de musique vocale sacrée ou profane, traditionnelle ou écrite.

Traditions orales, folklore, ou chant classique ?

Laissant hors de notre propos la musique de variété où le chant est essentiellement diction, et tributaire des médias sonores, nous distinguons deux formes de chant, quasi irréductibles dans leurs origines et leurs finalités : d'une part, le chant « classique », qui, depuis quatre siècles, répond à des conventions bien définies, et qui, parce qu'il tend à l'universalité, peut convenir aux ethnies les plus variées ; d'autre part, le chant dit des traditions orales, qui, pour des raisons phonétiques et culturelles, ne concerne que des groupes humains précis. En effet, si rien ne distingue des chanteurs lyriques de races blanche ou noire, si l'école anglo-saxonne s'est imposée dans les patrimoines chantés allemand ou italien, si les chanteurs extrême-orientaux s'y affirment de mieux en mieux, il est difficile de concevoir qu'un chanteur d'opéra puisse allier son art à celui du rāga hindou, au chant d'excision ivoirien, aux modulations du flamenco, etc.

Une autre divergence importante entre ces deux expressions du chant vient de ce que le répertoire lyrique sacré ou profane est, pour l'essentiel, écrit ou codifié, et en perpétuel devenir dans son interprétation, puisque étroitement associé à l'évolution de l'écriture musicale ; au contraire, les chants de traditions orales, rarement inscrits (mais soumis à des règles non moins strictes), ont pour mission de conserver, inchangé, un patrimoine culturel sacré ou profane ancien. On peut affirmer, ainsi, que les récitations védiques, de nombreux rituels tibétains, les expressions vocales des aborigènes d'Australie ou de certaines ethnies de l'Afrique noire ont traversé parfois quatre millénaires, ou plus, sans subir d'altération notable. De formation plus récente, les chants des religions judéo-chrétiennes ont été aisément conservés. Ajoutons d'ailleurs qu'il serait vain de séparer profane et sacré, le premier étant toujours né du second, dont il diffère encore bien peu dans certaines cultures.

À l'inverse, le chant dit folklorique a souvent peu à voir avec les traditions orales ; il s'apparente davantage à la chanson de création savante, et souvent assez récente (rarement plus de trois siècles, souvent moins de cent ans) ; il ressortit[...]

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