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CHANTS DE VIE ET D'ESPÉRANCE, Rubén Darío Fiche de lecture

Azur (1888) et Proses profanes (1896) inauguraient avec éclat le modernisme, mouvement littéraire qui s'était imposé dans le monde hispanique à la fin du xixe siècle. Chants de vie et d'espérance (1905) en manifeste l'épanouissement. Reconnu comme le héraut d'une esthétique nouvelle, le poète nicaraguayen Rubén Darío (1867-1916) est alors âgé de trente-huit ans. Publié à Madrid, le livre contient 59 poésies. Dans une brève adresse « Au lecteur », l'auteur résume son art poétique, fondé sur le respect de « l'aristocratie de la pensée » et « la noblesse de l'Art ». Et sans fausse modestie, il ajoute : « Le mouvement de liberté qu'il me revient d'avoir inauguré en Amérique s'est propagé jusqu'en Espagne, et autant ici que là-bas le triomphe est assuré. » Puis, dénonçant « la momification du rythme » qui témoigne d'une « expression poétique ankylosée », il invite au retour d'un mètre classique, l'hexamètre, ou à l'essor du « vers libre moderne ». « N'est-il pas singulier, écrit-il, qu'au pays des Quevedo et des Góngora, les seuls innovateurs de l'instrument lyrique, les seuls libérateurs du rythme, aient été les poètes du Madrid Comique et les librettistes d'opérettes ? Je fais cette observation parce que la forme est la première chose qui touche la foule. »

L'hispanité exaltée

Désormais l'inspiration de Darío s'ouvre largement à l'œcuménisme hispanique, qu'il avait provoqué dans la littérature, mais qui doit désormais envahir un autre domaine : « Si dans mes Chants il y a de la politique, c'est parce que celle-ci paraît universelle. » Le titre du livre s'applique aussi à la ferveur avec laquelle est exaltée l'hispanité, toujours menacée par l'impérialisme du Nord.

Le recueil est composé de trois parties. Quatorze poèmes en forment la première (sans titre), qui s'ouvre sur une pièce mélodieuse, rappel nostalgique du temps passé : « Je suis celui qui vous disait hier/ le vers azur et la chanson profane,/ et dans sa nuit chantait un rossignol/ qui devenait à l'aube alouette de lumière... » Le poème suivant, « Salutation de l'optimiste », adaptation éblouissante de l'hexamètre gréco-latin, est un hymne aux races de « l'Hispanie féconde ». La même véhémence dans l'ode fameuse « À Roosevelt » suggère l'affrontement épique de l'Amérique « à l'âme barbare » et de l'Amérique « fille du soleil ». Outre d'autres poésies sur des thèmes divers (« Au Roi Oscar », « Cyrano en Espagne », « Pégase », « Helios », « Spes »), « La Marche triomphale », mêlant modernité et mythologie, célèbre l'indépendance de l'Argentine.

La seconde partie (Les Cygnes) est dédiée à Juan Ramón Jiménez, qui avait veillé à l'impression du livre. Elle comprend quatre poèmes. Dans un style parnassien, qui rappelle la poésie française de Leconte de Lisle ou de José Maria de Heredia, le poète confie au cygne ses inquiétudes de « fils de l'Amérique » : « Serons-nous donc livrés aux barbares féroces ?/ Tant de millions d'hommes, parlerons-nous anglais ?/ N'est-il plus de nobles hidalgos ni de braves chevaliers ? »

Enfin, la troisième partie (Autres poèmes) rassemble 41 poésies, notamment sur le printemps, la douceur de l'angélus, un soir des tropiques, un « Nocturne », alternant avec des hommages au Don Quichotte de Cervantès, au peintre espagnol Goya ou au marquis de Bradomín, le don Juan imaginé par l'écrivain espagnol Valle-Inclán.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Autres références

  • DARÍO RUBÉN (1867-1916)

    • Écrit par
    • 1 063 mots
    En 1905 paraissent les Cantos de vida y esperanza (Chants de vie et d'espérance), sans doute le meilleur livre de Darío ; sa thématique s'est enrichie et les sujets qui ne sont pas nouveaux chez lui trouvent en ce recueil leur forme la plus réussie. À côté des mythologies un peu faciles dont il...