CHARAVINES, préhistoire
Des fouilles subaquatiques au sud du lac de Paladru, dans les collines du bas Dauphiné, à Charavines, ont permis d'exploiter, entre 1972 et 1986, un gisement immergé sous les eaux du lac. Celui-ci a livré les vestiges d'un habitat collectif du Néolithique ; son étude complète permet d'en faire, en l'absence de fouilles similaires dans les Alpes françaises, l'illustration et le modèle des villages néolithiques alpins.
Bien qu'aucun autre site n'ait encore été retrouvé autour du lac de Paladru, les pollens témoignent sans ambiguïté de la présence de paysans dans la région à partir de 3500 av. J.-C. environ, soit presque un millénaire avant l'habitat découvert à Charavines.
À la fin du Néolithique, une baisse prolongée du niveau du lac de Paladru a permis la construction de maisons en bois sur la rive même, où elles furent bien conservées grâce à la montée ultérieure des eaux. Placé à 500 mètres d'altitude, au cœur de forêts denses, le site a fourni de nombreux témoins de la vie quotidienne, en particulier des matières périssables, ainsi que des données précises sur l'architecture des maisons, les habitudes culturales, l'alimentation végétale et carnée, etc. Les données culturelles et techniques traduisent des rapports privilégiés avec la zone helvétique occidentale et les lacs de Savoie dans le cadre de la « Civilisation Saône-Rhône ». Un ouvrage récent retrace, pour le grand public, la diversité et l'intérêt de ce site (« Charavines il y a 5 000 ans », Dossier d'Archéologie no 199, éd. Faton, déc. 1995).
Les maisons sont constituées d'une ossature de poteaux de bois, profondément enfoncés dans le sédiment lacustre, qui soutiennent une charpente liée par des cordes et garnie d'une couverture végétale ; les murs sont formés d'entrelacs de branches maintenant mousses et herbes. Ces habitations reposaient directement sur le sol, sans l'intermédiaire d'un plancher surélevé comme cela est parfois le cas pour certaines stations littorales. Elles comprennent une pièce unique, rectangulaire, d'environ 8 mètres sur 4 mètres, parfois prolongée d'un auvent, ouvrant largement sur les espaces libres entre les maisons ; cette pièce comporte au centre un foyer autour duquel se tenaient les activités domestiques et des aires de repos ou de couchage recouvertes de branchages et de nattes. Les activités artisanales – la taille du silex, le dépeçage de la viande, etc. –, se déroulent surtout sous les auvents et dans la cour centrale. Des « greniers », plus petits, au plan très irrégulier, complètent les habitations ; ils ont peut-être été dotés de planchers surélevés pour une meilleure conservation des réserves alimentaires dans l'atmosphère humide de bord de lac. Une palissade entoure le village du côté des terres, délimitant une surface de 1 500 mètres carrés et protège des prédateurs les habitants et le bétail laissé en liberté ; sa légèreté exclut un rôle défensif.
On sait, grâce aux analyses dentrochronologiques, qu'une communauté se fixe, à partir de 2670 av. J.-C. exactement, sur la rive méridionale du lac, couverte par une forêt où dominent les sapins, et où l'on trouve frênes, aulnes, hêtres, etc. Ce premier village s'édifie en plusieurs étapes, d'abord avec deux familles abritées dans deux maisons avec leurs « greniers », puis trois autres familles qui s'installent quatre ans plus tard en construisant leurs propres maisons. Deux nouvelles familles s'y grefferont en — 2661, probablement constituées par de jeunes ménages prenant leur indépendance. Ainsi ce sont sept familles, soit une cinquantaine de personnes, qui occupent le village durant quinze ans. Ensuite trois famille partiront, sans doute pour édifier un nouveau village à proximité. Les familles restées sur place abandonneront volontairement[...]
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Écrit par
- Aimé BOCQUET : président du Centre de documentation de la préhistoire alpine, Grenoble
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