CHARLEMAGNE (742-814)
Le conquérant
Cette conquête se fit sans plan préconçu, Charlemagne utilisant au mieux les circonstances qui se présentaient. Jamais il ne put se consacrer à une seule tâche et la mener immédiatement à bonne fin, parce qu'il fut toujours obligé de conduire simultanément plusieurs opérations. Il en commence une, l'abandonne momentanément pour s'occuper d'une autre et reprend ensuite la première au point où il l'avait interrompue. Ses moyens militaires, bien qu'appréciables, sont limités. Il le sait et avance pas à pas.
Dès 772 commencent les campagnes contre les Saxons. Ce sont d'abord, comme sous Pépin III et Charles Martel, des expéditions de représailles répondant à des raids lancés contre les confins francs, au cours desquelles se précise cependant bientôt l'intention de créer une marche puissamment fortifiée entre la Lippe et la Diemel, destinée à mettre le royaume à l'abri de nouvelles offensives. En 773, Charles fut distrait de ces opérations par un appel au secours du pape Hadrien, directement menacé par Didier qui marchait sur Rome. Le roi des Francs franchit les Alpes, s'empara de Pavie après un long siège, reçut la soumission de toutes les régions du royaume de son adversaire et se proclama lui-même roi des Lombards (774). Les opérations se poursuivirent ensuite contre les Saxons ; plusieurs chefs ayant fait leur soumission et ayant promis de se faire baptiser, la Diète qui se tint en 777 à Paderborn put poser les premiers jalons de l'implantation de l'Église en Saxe. Cette première période de succès s'acheva assez brusquement l'année suivante. Appelée en Espagne par certains chefs arabes révoltés contre l'émir de Cordoue, cédant à l'illusion de pouvoir arracher à l'islam une partie au moins de la péninsule, Charlemagne franchit les Pyrénées et s'avança jusque devant Saragosse dont il ne put s'emparer ; il revint en France par le col de Roncevaux où son arrière-garde commandée par le comte de la marche de Bretagne Roland fut détruite par les montagnards basques (15 août 778). Le souvenir de cette défaite se trouve à l'origine de la chanson de geste la plus célèbre, La Chanson de Roland.
C'est dans la période qui s'ouvre alors, vers 779-780, que la maîtrise de Charlemagne s'affirma avec le plus d'éclat. En Saxe les premiers objectifs sont dépassés, et c'est tout le pays que les Francs s'efforcent de conquérir, autant pour des raisons de sécurité que pour y assurer le triomphe du christianisme. Les expéditions se succèdent désormais d'une année à l'autre, mais se heurtent à une résistance opiniâtre dirigée par le duc Widuking jusqu'en 785. Quand il eut cette année-là déposé les armes, la soumission du pays semblait acquise : dès 782, celui-ci avait été incorporé en principe au royaume franc. La Frise orientale (du Zuiderzee aux bouches de la Weser) fut pareillement annexée. En 788, ce fut au tour de la Bavière d'être réunie à l'État franc, après la destitution de son dernier duc national, Tassilon III.
D'importantes transformations apparaissent dans d'autres secteurs encore. Conscient du particularisme de l'Italie lombarde et de l'Aquitaine, Charlemagne les érigea l'une et l'autre en royaumes subordonnés pour ses deux fils cadets, Pépin et Louis (781). En Italie son autorité personnelle rayonna sur l'État pontifical, et même sur le duché lombard de Bénévent, où il réussit en 787-788 à déjouer les intrigues nouées contre lui par le duc Arichis et la cour de Constantinople et à imposer au fils d'Arichis la reconnaissance de sa suprématie.
L'élan dont témoigne cette période décisive fut à nouveau interrompu après 790. En Saxe les excès de l'administration franque provoquèrent, en 793, une rébellion très grave qu'on mit[...]
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Écrit par
- Robert FOLZ : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
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