JULIEN CHARLES-ANDRÉ (1891-1991)
Charles-André Julien naît à Caen le 2 septembre 1891. Trois courants contribuèrent à sa formation : l'héritage culturel protestant, les valeurs de l'humanisme socialiste, reçues de Jean Jaurès, et les traditions de l'Université française, avec ses fortes références, son esprit d'indépendance. Ces influences diverses, parfois contradictoires, et l'expérience de la vie forgèrent un homme complexe qui associait fermeté des principes et souplesse opportune. Son indignation, toujours en éveil, contre la négation ou l'humiliation de l'autre, qu'elles fussent le fait de l'argent et de la domination sociale, du pouvoir colonial et des préjugés raciaux, est le ressort essentiel de son engagement.
Son combat anticolonialiste fut principalement lié à la volonté de restituer le sens de sa valeur et de ses valeurs à une population méprisée par ceux qu'il appelait les « prépotents ».
Rarement homme — par ailleurs si dénigré — eut autant d'amis de toutes conditions, de toutes origines, confessions ou convictions.
Débarqué à Oran en 1906, il associe rapidement combat social et lutte anticolonialiste. Il préside la Ligue des droits de l'homme en Algérie et en Tunisie en 1918, puis est conseiller général d'Oran de 1920 à 1923.
Au congrès de Tours, en 1920, il adhère à la IIIe Internationale. Il fait partie, en 1921, de la délégation du Parti communiste au IIIe congrès de l'Internationale à Moscou.
Rompant avec le Parti communiste au retour d'un voyage en U.R.S.S., il s'inscrit à la S.F.I.O. Il resta fidèle au Parti socialiste dont il reçut des missions administratives, pendant le Front populaire, des mandats au lendemain de la guerre, comme conseiller de l'Union française (de sa création en 1946 à sa suppression en 1958).
Il participe à tous les combats de la décolonisation, étant avec Louis Massignon et François Mauriac un des animateurs du comité France-Maghreb (1947-1956), présidant après l'enlèvement et la disparition du leader marocain le Comité pour la recherche de la vérité sur l'affaire Mehdi ben Barka.
Lié aux principaux chefs des nationalismes maghrébins, ami du sultan Mohammed V, il joua, un temps, le rôle de conseiller, tant auprès de certaines autorités françaises que des dirigeants nord-africains.
Sa première initiation à l'administration lui vient de ses fonctions de rédacteur à la préfecture d'Oran (1911-1913). Reçu à l'agrégation d'histoire en 1921, il exerce dans différents lycées de France. Il enseigne, après la guerre, à l'École nationale de la France d'outre-mer (1945-1949), à l'Institut d'études politiques, à l'École nationale d'administration, à la Sorbonne surtout, où il occupe la chaire d'histoire de la colonisation.
De 1927 au lendemain de la guerre, il est secrétaire de la Revue historique, carrefour intellectuel permettant de suivre les mouvements de la recherche et de dialoguer avec les historiens de tous les pays.
L'amitié de Léon Blum lui vaut en 1936 la charge du secrétariat du Haut Comité méditerranéen et de l'Afrique du Nord créé auprès de la présidence du Conseil. Le Comité étudie les problèmes de la Syrie, la situation en Algérie, la question tunisienne, l'évolution du Maroc.
Il retient de sa mission une vision globale de la situation de la Méditerranée musulmane, en sort renforcé dans sa conviction des nécessaires évolutions et en conserve de profondes amitiés avec les dirigeants nationalistes, essentiellement marocains.
En 1957, Mohammed V lui confie la création et l'organisation de la faculté des lettres de Rabat, tâche qu'il s'efforce de mener à bien malgré les obstacles que lui opposent les organismes de tutelle de l'Université française et les tenants marocains d'une arabisation rapide et d'une totale indépendance.[...]
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Écrit par
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
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