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BRUCK CHARLES (1911-1995)

En France, pendant un quart de siècle, après la Libération, la radio nationale a joué un rôle considérable en faveur de la musique contemporaine, commandant et créant des partitions nouvelles de compositeurs français tout en faisant connaître les œuvres majeures des grands compositeurs étrangers. La carrière de Charles Bruck est indissociable de cette époque et, avec près de sept cents créations ou premières auditions à son actif, il restera l'un des chefs d'orchestre dont le rôle a été déterminant pour la musique de notre temps.

Né à Timişoara, en Roumanie, le 2 mai 1911, il commence ses études musicales au Conservatoire de Vienne, puis vient à Paris en 1928 pour faire son droit. Il obtiendra une licence. Il y retrouve un autre Roumain émigré, le critique Antoine Goléa, alors violoniste. Dès 1931, il travaille le piano avec Vlado Perlemuter et la composition avec Nadia Boulanger à l'École normale de musique, avant d'étudier la direction d'orchestre avec Pierre Monteux à partir de 1934. En 1936, il remporte le concours de direction d'orchestre organisé par l'Orchestre symphonique de Paris, alors dirigé par Monteux, qui l'engage comme assistant. Cette même année, il fait sa première tournée aux États-Unis. En 1939, il adopte la nationalité française. Pendant la guerre, il entre dans la clandestinité puis dans la Résistance. Entre 1945 et 1948, il est directeur des industries de la musique au ministère de la Production industrielle. Il est ensuite directeur de la musique aux casinos de Cannes et de Deauville (1949-1950), avant d'être chef d'orchestre et directeur musical à l'Opéra néerlandais d'Amsterdam (1950-1954). De retour en France, il dirige la création (en concert) de l'opéra de Prokofiev L'Ange de feu (1954). Il prend la direction de l'Orchestre radio-symphonique de Strasbourg (1955-1965) et succède à Eugène Bigot comme chef permanent de l'Orchestre philharmonique de l'O.R.T.F. (1965-1970). Il fait revivre l'opéra de Georges EnescoŒdipe (1955), qui n'avait pas été exécuté depuis sa création, en 1936. Il dirige en première audition française Le Joueur de Serge Prokofiev (1956), la Messe glagolitique de Leoš Janáček (1957), Hary János de Zoltán Kodály (1959), le Concerto pour orchestre (1963) et Jeux vénitiens (1965) de Witold Lutosławski, Atmosphères (1964) et le Requiem (1966) de György Ligeti, la Passion selon saint Luc (1967) et le Dies Irae (1968) de Krzysztof Penderecki, L'Affaire Makropoulos de Janáček (Opéra de Marseille, 1968), Ulysse de Luigi Dallapiccola (Rouen, théâtre des Arts, 1971). Il révèle des compositeurs comme Boris Blacher, Hans Werner Henze, Goffredo Petrassi, Bernd Alois Zimmermann...

Lors de la restructuration des orchestres de l'O.R.T.F. en 1970, il est écarté sans ménagement. Ses activités sont considérablement ralenties, car il dirigeait peu en dehors de la radio et n'avait pas construit une véritable carrière de chef invité qui lui aurait permis de relayer ses activités permanentes. Il est nommé à la tête de l'École de direction d'orchestre de Pierre Monteux à Hancock, dans le Maine (États-Unis). On le voit siéger dans des jurys de concours internationaux, notamment à Besançon. Il participe également aux travaux du comité de lecture des éditions Salabert. Il meurt à Hancock, en pleine session de cours, le 16 juillet 1995.

Bruck n'était pas seulement un fervent défenseur de la musique de son temps. Il s'était forgé un répertoire considérable auprès de Pierre Monteux, à qui il devait son étonnant pouvoir d'adaptation. S'il a créé des œuvres de musiciens aussi divers que Jolivet, Landowski, Ballif, Ohana, Xenakis, Tomasi, Françaix, Barraud, Éloy ou Barraqué, il a aussi révélé en France des opéras de Haydn ou de Smetana et accompagné les débuts parisiens du violoniste russe Leonid[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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