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CAMERON CHARLES (vers 1740-1812)

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La biographie de l'architecte écossais Charles Cameron à longtemps posé des problèmes jusqu'à ce que des recherches récentes, notamment celles de Dimitri Shvidkovsky (The Empress and the Architect, New Haven-Londres, Yale University Press, 1996) fassent le point sur cette question. Charles Cameron est né vers 1740. Son père, Walter Cameron, était entrepreneur en bâtiment à Londres et l'ami du célèbre Archibald Cameron, organisateur de l'insurrection écossaise en faveur de Charles Stuart. Le fils d'Archibald et le futur architecte portaient le même prénom et furent probablement élevés ensembles. Le premier s'installa à Rome et publia en 1785 ses Mémoires sur les beaux-arts, où il faisait mention de l'architecte Charles Cameron. Celui-ci, d'abord membre de la Carpenter's Company, se passionna plutôt pour l'architecture savante, comme le montre son album de dessins datés de 1764 (archives de l'Institut des ingénieurs des transports ferroviaires, Saint-Pétersbourg). Il fut ensuite influencé par l'architecte Isaac Ware, célèbre pour son édition en 1738 des Cinq livres de Palladio. Cameron partit pour l'Italie en 1768 et, probablement grâce au soutien du fils d'Archibald, fut introduit dans la colonie des « Écossais de Rome ». Il se forma à Rome dans le milieu des savants, architectes et peintres passionnés par l'Antiquité et s'adonna surtout à l'étude des thermes. En 1772, il publia à Londres un ouvrage qui était une synthèse de ses recherches : Description des bains des Romains, enrichie des plans de Palladio, corrigés et perfectionnés... (en anglais et en français, réédité en 1774 et en 1775). Cette publication valut sans doute à Cameron d'être invité en Russie en 1779. Le 23 août, Catherine II écrivit à Grimm : « À présent je me suis emparée de mister Cameron, écossais de nation, jacobite de profession, grand dessinateur nourri d'antiquités, connu par un livre sur les bains anciens... » Par ailleurs, nous apprenons par des lettres de Catherine II que Cameron, fidèle à l'esprit de ce siècle d'aventuriers, se fit passer en Russie pour son homonyme.

Dès 1773, Catherine II avait écrit au sculpteur Étienne Maurice Falconet qu'elle aurait voulu avoir un dessin d'une maison à l'antique pour la faire construire dans son jardin de Tsarskoïe Selo. À la suite de démarches de Falconet puis de Charles Nicolas Cochin, un projet avait été exécuté par Charles Louis Clérisseau (musée de l'Ermitage). L'architecte français Charles de Wailly avait envoyé à l'impératrice son projet de « pavillon des Sciences et des Arts » (Ermitage). Mais Catherine II avait rejeté les deux projets, les jugeant trop démesurés. Cameron les utilisa pourtant pour son propre travail, surtout le projet de Clérisseau, ainsi que les nombreux dessins de ce dernier achetés également par Catherine II.

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Le premier travail de Cameron en Russie consista donc à partir de 1780 à édifier les thermes de Tsarskoïe Selo, cette « rapsodie gréco-romaine » tant désirée par Catherine II. Les thermes proprement dits comprennent le pavillon d'Agate (1780-1785), qui donne sur le jardin suspendu, et la galerie bordée d'une colonnade (dite galerie de Cameron, projetée en 1784, construite en 1787). Un escalier et une rampe en pente douce bâtie dans les années 1790 pour l'impératrice vieillissante mènent de la galerie au jardin. La partie inférieure, formée d'énormes blocs de pierre, est délibérément grossière, comme s'il s'agissait d'une construction archaïque et barbare. Elle rappelle les ruines des thermes romains dans les gravures de Cameron. Quant au niveau supérieur, avec son ordre ionique, il correspond par son classicisme à l'idée de l'Antiquité ressuscitée, telle qu'elle avait été vue par Palladio. La décoration intérieure du pavillon d'Agate, très proche du style des frères Adam, est exubérante. Les thermes de Tsarskoïe Selo furent l'unique bâtiment en Russie qui reprenait le type et la fonction d'une construction antique. Ils valaient davantage par leur esthétique et par leurs références culturelles que par leur commodité et Catherine II se plaignait à son secrétaire que ces bains étaient « impropres ».

De 1781 à 1787, Cameron construisit un palais entouré d'un parc ainsi que de multiples pavillons dans le domaine de Pavlovsk, que Catherine II avait offert en 1777 à son fils Paul (Pavel, en russe, qui donne son nom au domaine). Le palais de Pavlovsk reprend le schéma de la villa palladienne : un bloc central, orné d'un portique et couronné d'une coupole plate, réuni par des galeries aux ailes latérales. Le parc à l'anglaise est parsemé de pavillons qui s'inspirent des constructions antiques – la colonnade d'Apollon, le temple de l'Amitié, le monument des Parents.

La carrière de Cameron prit fin à la mort de Catherine II. Bien qu'il fût nommé architecte de l'Amirauté en 1803 et qu'il le restât jusqu'en 1805, son œuvre architecturale demeura essentiellement circonscrite aux années 1780. Représentant de ce milieu international des connaisseurs de l'architecture romaine, qui, comme il l'écrit lui-même, « ont rétabli l'ancienne et la vraie manière de bâtir », Cameron fut un des principaux réalisateurs du rêve russe vis-à-vis de l'Antiquité.

— Olga MEDVEDKOVA

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Écrit par

  • : chargée de recherche au centre André-Chastel, université de Paris-IV-Sorbonne, docteur en histoire et civilisation de l'École des hautes études en sciences sociales, habilitée à diriger les recherches

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