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CROS CHARLES (1842-1888)

Charles Cros - crédits : AKG-images

Charles Cros

Personnage hors du commun, autodidacte de génie qui fut également attiré par la littérature et par la science. Descendant d'une lignée de professeurs, né à Fabrezan (Aude), Charles Cros fait ses études sous la direction de son père. En 1860, il entre comme surveillant à l'Institution des sourds-muets et commence des études de médecine qu'il ne tarde pas à abandonner. À partir de ce moment-là, sa vie mondaine et sa carrière de chercheur sont intimement mêlées. Il travaille à la conception d'un télégraphe automatique, qu'il présente à l'Exposition universelle de 1867, et envoie une note à l'Académie des sciences sur un projet de système de « reproduction des couleurs, des formes et des mouvements ». Parallèlement, entre 1872 et 1885, il apparaît dans tous les groupes de bohème littéraire plus ou moins marginaux : dans le salon de Nina de Villard (qui sera sa maîtresse jusqu'à son mariage avec Mary Hjardemaal, en 1878, de qui il aura deux fils dont l'aîné, Guy Charles, se révélera poète de talent), chez les zutistes, chez les « phalanstériens de Montmartre », au Chat-Noir, chez les « vilains bonshommes », au café artistique de la Nouvelle Athènes et dans d'autres cercles aussi pittoresques qu'éphémères. Ses amis s'appellent Verlaine, Coppée, Villiers de L'Isle-Adam, Richepin, Germain Nouveau et Rimbaud, qu'il accueille à Paris en le logeant quinze jours chez lui en septembre 1871. De ces fréquentations, il gardera toujours le goût d'une vie désordonnée.

En 1869, il fait ses débuts poétiques dans L'Artiste ; il publie Moyens de communication avec les planètes, collabore à La Parodie et au Second Parnasse contemporain. Son premier recueil de poèmes, Le Coffret de santal, paraît en 1873. Il fonde La Revue du monde nouveau, qui ne sortira que trois fois. Il publie Le Fleuve (1874) avec des eaux-fortes de Manet, les Dixains réalistes (1876). Il écrit aussi des monologues pour le comédien Coquelin Cadet, genre qu'il renouvelle. En 1877, il adresse à l'Académie un pli relatif au principe de l'enregistrement des sons et toute une série de notes au sujet du phonographe et de la photographie des couleurs. En 1879, il obtient un prix de l'Académie française, faible récompense pour ses travaux littéraires, et touche de l'État une indemnité au titre des arts et des lettres. Cependant, sa vie de bohème, l'absinthe aidant, altère sa santé, et des années de difficultés morales, physiques et financières surviennent. Le 9 août 1888, Charles Cros meurt inconnu et misérable, laissant non publiée la majeure partie de son œuvre, qui ne sera éditée qu'en 1908, sous le titre Le Collier de griffes, grâce à son fils Guy.

Cet homme, qui a vécu en marge de la société de son temps, n'a pas été admis par elle. Il n'a pas été reconnu comme inventeur, victime qu'il fut de la rivalité de Ducos de Hauron, en ce qui concerne le procédé photographique de reproduction en couleurs, et du succès d'Edison, qui ne découvrit pourtant qu'après lui le principe du phonographe. Comme poète, il ne connut la réussite que tardivement ; il la dut aux surréalistes qui virent en lui un précurseur. Charles Cros reste un poète isolé, n'appartenant à aucune école, ni parnassien, ni symboliste, ni décadent ; un poète qui passe de l'ironie (« Le Fleuve ») et de l'humour (« Le Hareng saur », « Jeune Fille de caboulot ») à l'absurdité (« Révolte ») et à l'angoisse la plus profonde (« L'Heure froide »), sans laisser d'être précieux et sensuel (« Distrayeuse », « Sultanerie »).

— Hélène LACAS

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