GAULLE CHARLES DE (1890-1970)
La traversée du désert
Tout le donne à croire : il pensa que son départ provoquerait des remous assez graves pour que les partis affolés ou l'opinion inquiète le rappellent très vite. Mais son attente (dont témoignent plusieurs de ses proches) fut vaine. Dix-huit mois après la libération, Charles de Gaulle se retrouvait presque seul dans une petite résidence de Marly en attendant de remettre en état celle de Colombey, pillée par les occupants.
Mais il ne tient guère en place. Le « régime des partis » qui lui a succédé ne conduit, estime-t-il, qu'à la ruine de la France. Et, dès le mois de juin 1946, il reprend la parole, à Bayeux, pour faire connaître un projet de constitution (très voisin de celui qu'il fera prévaloir en 1958) contre celui, adopté en octobre 1946, qui régira – si l'on peut dire – la IVe République. Et, le 7 avril 1947, contre l'avis d'une forte minorité de ses fidèles, il annonce à Strasbourg la création du Rassemblement du peuple français ( R.P.F.).
« Le R.P.F., c'est le métro » déclarait André Malraux qui en fut l'un des fondateurs et le plus éloquent porte-parole. Mais si le R.P.F. eut de nombreux élus dans les quartiers ouvriers des grandes villes – bon nombre de ses dirigeants comme Vallon, Morandat et Bridier étaient des hommes de gauche – une tendance conservatrice l'emporta assez vite, non du fait du général lui-même ni de ses principaux adjoints – Malraux, Soustelle, Palewski – mais en raison des circonstances et du climat du temps.
Deux crises dominaient la conjoncture : la « guerre froide » et le conflit d'Indochine. Déclenchée vers la fin de l'été 1947, la première empoisonnait la vie publique, faisant régner sur l'Europe un climat de grande peur. Comme Churchill en Angleterre, de Gaulle en vint à assimiler la menace que faisait peser le communisme stalinien sur l'Europe à celle que l'hitlérisme avait mise à exécution dix ans plus tôt. Persuadé comme alors que l'affrontement était inéluctable – quelle qu'en fût la forme – de Gaulle fit du R.P.F. une machine d'autant plus réduite à l' anticommunisme que le P.C.F. professait, à son égard, le sectarisme le plus massif.
Mais, en tant que digue contre le stalinisme, le R.P.F. se vit très vite voler son rôle par les gouvernements de la « troisième force » qui, luttant sur un front contre les gaullistes, se battaient avec plus de résolution encore sur l'autre front contre les communistes. Les grandes grèves insurrectionnelles de l'automne 1947 ne furent pas brisées par le R.P.F., mais par Jules Moch, ministre de l'Intérieur socialiste, après que le socialiste Ramadier eut éliminé du gouvernement les ministres communistes (que de Gaulle y avait fait entrer). Ainsi le R.P.F., figé en esprit dans l'anticommunisme, n'en fut-il qu'un vain porte-parole avant d'être peu à peu divisé et désintégré par les astuces électorales et parlementaires du régime « des partis ».
Après un éclatant début électoral lors des élections municipales de 1947 (38 p. 100 des voix), riche d'un million d'adhérents en 1948, il ne cessa ensuite de décliner jusqu'en 1953 – le général proclamant alors que son « effort » n'avait pu « aboutir ».
Commence alors ce que Malraux a appelé « la traversée du désert ». Retiré à Colombey d'où il ne sort que pour venir à Paris, une fois par semaine, recevoir rue de Solférino ses fidèles, des historiens et quelques journalistes, ou pour voyager en Afrique (en 1953) autour du monde (1956) ou au Sahara (1957) ; il écrit ses superbes Mémoires de guerre, un « Commentaire de la guerre des Gaules » écrit par Vercingétorix...
Mais, à partir de la fin de 1957, une sorte de rumeur se développe autour de Colombey. Après celle d'Indochine, la guerre d'Algérie[...]
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Écrit par
- Jean LACOUTURE : journaliste, écrivain
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