DU BOS CHARLES (1883-1939)
Il « a été pour une certaine critique, ce que Proust fut pour le roman. Les deux hommes ont eu le même désir de coïncider avec un sentiment, un paysage et une œuvre... Du Bos, comme Proust, cherche — et trouve — l'essence. La critique ainsi conçue devient poésie et création » (André Maurois, Préface aux Approximations). Cette optique définit une œuvre critique indépendante de tout programme.
De mère anglaise, Du Bos fut tôt initié à deux littératures, ainsi qu'aux arts — il était passionné de peinture. À dix-sept ans, sa rencontre avec Bergson fut décisive, et la philosophie de l'intuition allait guider sa quête. Du Bos a exploré la littérature avec allégresse et enthousiasme ; il cherchait d'abord à comprendre et à communier ; sur la trace des mots, avec l'infinie délicatesse de l'amitié, il approchait du « jardin fermé », cernait « l'île intérieure », toujours aux aguets de « cette secrète vie spirituelle qui manifeste l'existence de l'âme ».
Qu'est-ce que la littérature ? (Paris, 1945) rassemble quatre conférences faites à Indiana en 1938 ; Du spirituel dans l'ordre littéraire, œuvre posthume parue à Paris en 1967, confirme autant le caractère métaphysique de sa critique que la tendance polyphonique d'un esprit captant les correspondances entre les arts et les artistes.
On lui doit quelques-unes des pages les plus intenses sur Goethe (Goethe, 1949), un Dialogue avec André Gide (1947) d'une pathétique authenticité, des ouvertures originales sur Keats et Shelley, sur Nietzsche et Baudelaire, Claudel et Mauriac, Benjamin Constant et Walter Pater. Il ne classe pas, il ne juge pas, il contemple tous ceux, grands ou moins grands, qu'il a situés dans ce qu'il nomme le « Ciel des fixes ».
Avec Approximations (réunies en un volume en 1965), qui rassemblent les études critiques, les neuf volumes du Journal (1946-1961) forment une sorte de concerto exemplaire. Assez proche du Journal de Julien Green, Du Bos s'essaya à transmettre au jour le jour l'intimité de l'auteur avec lui-même. Il s'agit avant tout d'un itinéraire spirituel dans lequel la part mystique — le dialogue avec Dieu — prend de plus en plus de place à partir de sa conversion en 1927, mais dont l'humanisme et la littérature demeurent la sève. Durant de longues années, il fut un animateur très apprécié des Décades de Pontigny.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Autres références
-
CRITIQUE LITTÉRAIRE
- Écrit par Marc CERISUELO et Antoine COMPAGNON
- 12 918 mots
- 4 médias
...statique, Albert Thibaudet, marqué par Bergson, veut substituer une analyse du mouvement de la création, par une méthode intuitive et métaphorique. Avec Charles Du Bos, cette mobilité critique devient une soumission métaphysique, voire une communion mystique. Enfin, les critiques de l'école dite de Genève...