DUNOYER CHARLES (1786-1862)
L'un des représentants les plus caractéristiques du libéralisme économique est un descendant d'une vieille famille du Quercy. Après des études juridiques, Dunoyer se lance dans le journalisme en créant avec C. Comte le journal satirique illustré Le Censeur (1814), qui deviendra en 1817 Le Censeur européen. Professeur à l'Athénée, son enseignement forme la matière de son premier livre, L'Industrie et la morale considérées dans leurs rapports avec la liberté (1825) ; l'ouvrage sera refondu en 1830 sous le titre Nouveau Traité d'économie sociale et deviendra en 1843 l'œuvre essentielle de sa vie, La Liberté du travail. La monarchie de Juillet le fait préfet puis conseiller d'État, fonction qu'il occupera jusqu'au 2 décembre. Dunoyer a laissé en outre un grand nombre d'articles parus dans son propre journal, dans la Revue encyclopédique, la Revue française, Le Journal des débats, Le Journal des économistes. Rigueur logique et optimisme systématique caractérisent sa doctrine. Le « régime industriel » est, à ses yeux, le plus favorable à la liberté humaine. Toute activité productrice de richesses, c'est-à-dire d'utilités, est industrie ; non seulement les activités industrielles proprement dites, mais encore celles qui s'exercent sur l'homme, la reproduction même de l'espèce, et enfin l'État, producteur d'ordre et de sociabilité. Or, le premier besoin de l'industrie, c'est la liberté, seule susceptible d'assurer le bonheur de tous. L'État se trouve ainsi limité à une action répressive au service de la liberté et de la sécurité. Dans la logique de son système, Dunoyer préconise le libre-échange, la liberté de l'enseignement, la séparation de l'Église et de l'État ; il pourfend le despotisme de la centralisation, le suffrage universel, source de la toute-puissance étatique, la législation sociale et l'assistance publique qui perpétuent les vices des pauvres et les encouragent à proliférer, et professe un souverain mépris pour les doctrines socialistes. Attribuant notamment aux « vices » des simples travailleurs la raison des malheurs qui les atteignent, il affirme dans La Liberté du travail qu'« il est bon qu'il y ait dans la société des lieux inférieurs où soient exposées à tomber les familles qui se conduisent mal, et d'où elles ne puissent se relever qu'à force de se bien conduire ». « La misère, ajoute-t-il, est ce redoutable enfer. » Avant tout préoccupé de la production des biens, Dunoyer devait considérer l'État comme « producteur de sécurité », voir dans l'enseignant un « producteur d'hommes éclairés » et dans le médecin un « producteur d'hommes bien portants » ; un tel productivisme ne pouvait que le conduire, dans la pratique, à combattre même les projets de loi visant à limiter le travail des enfants et, dans l'ordre de la réflexion théorique, à s'opposer à tout effort de conciliation — tel celui qu'entreprenait Stuart Mill — entre les vues des libéraux et celles des socialistes.
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Écrit par
- François BURDEAU : professeur à la faculté des sciences juridiques de Rennes
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