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RAMUZ CHARLES FERDINAND (1878-1947)

Peu d'écrivains, romanciers ou poètes, ont été moins secrets que Ramuz. Et pourtant, que d'erreurs de jugement, que de fausses interprétations de son écriture, de l'esprit de ses récits, de l'âme de ses personnages ! Des personnages dont il dressait la généalogie avec méticulosité avant de leur donner vie. Mais, dès la première réflexion, ce paradoxe s'explique et se justifie : les romanciers, de Balzac à Mauriac, de Zola à Aragon, attaquent leur sujet, être ou chose, de front, avec la finesse de style, l'élégance de mots, parfois la violence qui leur sont propres et étayent leur renom. Ramuz, lui, fait le contour des personnes, des objets, des paysages, avec un gros crayon. Il s'applique, il appuie, il repasse plusieurs fois la mine dans le sillon, ou à côté. Et ce gros crayon d'écolier fait penser à ses vêtements de drap épais, rugueux, à ses bottines de paysan mal endimanché, à son chapeau rond de vigneron. Et que l'on ne croie pas qu'il emprunte une forme pour s'identifier. Il est lui-même, voilà tout, avec ses cheveux drus plantés bas, sa large moustache, ses traits épais sur un faciès d'une anguleuse maigreur.

Il y a un introspectif en lui, à la fois convaincu et inquiet, mais il appartient au philosophe, au moraliste, donc au penseur, et non au romancier, c'est-à-dire au poète. C'est d'ailleurs dans le Journal (1945) qu'on le rencontre le plus fréquemment, et logiquement. Sur ce point, l'année 1908 (le temps des Circonstances de la vie, du Village dans la montagne, de Jean-Luc persécuté) est décisive et révélatrice. Le 24 août : « Je vois clairement mon instinct : faire de la poésie avec de l'analyse. Plus que jamais aujourd'hui, je vois la puissance et la beauté des idées simples. Je ne me laisserai pas embrigader. » Le 4 octobre : « La grande beauté des choses autour de moi, et moi sec. Un style à articulations courtes comme les mailles d'une cotte de manière à s'appliquer exactement sur les mouvements de la pensée. »

Pendant six ans, à Paris et à Lausanne, Ramuz se cherche. Brusquement, il se trouve et peu à peu il va se stabiliser, se bornant à perfectionner jusqu'à la virtuosité, atteinte dans les années 1920 et 1930. Chaque roman, ou essai, est un recommencement. Ramuz part de la source, s'empare d'une onde que nos intentions humaines n'ont pas encore polluée, s'en tient au rôle de témoin tout en demeurant poète. Ainsi parvient-il à restituer des sentiments authentiques, purs, originels. Et le spirituel devient tangible.

L'homme et l'œuvre se fondent

Né à Lausanne, Charles Ferdinand Ramuz fait une licence de lettres avant d'enseigner au collège d'Aubonne, dans son canton. L'idée d'une carrière littéraire se fortifie en lui. En 1902, il part pour Paris. Séjour déterminant : il y apprend à être vaudois. Et c'est le retour, auréolé d'une légende de pauvreté, de travail, de solitude qui cède à l'exagération. Juste réaction de sa part comme de celle de ses amis. À Paris, il a couru les salles du Louvre, noirci des cahiers. Il se croyait critique d'art. Par bonheur, ses notes ont échappé à la publication ! Et pourtant, beaucoup plus tard, il écrira : « Mes idées me viennent des yeux, – si j'ai des maîtres, c'est chez les peintres. »

Ses débuts, où déjà il mêle roman, récit et essai, sont confidentiels. Deux événements vont élargir son audience. D'abord, les Cahiers vaudois, qui serviront de somme à sa génération en Romandie, « cette province qui n'en est pas une », aimait-il à répéter. Il y règne grâce au prestige que lui valent ses premiers livres. Ensuite, la rencontre avec Henry Poulaille qui le présente à l'éditeur Bernard Grasset. C'est la consécration, la vraie, qui vient de Paris, et l'aisance. On le plaisante[...]

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