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LIGNE CHARLES JOSEPH prince de (1735-1814)

Issu d'une famille illustre des Pays-Bas, né à Bruxelles, Charles Joseph de Ligne est lui-même homme de guerre, diplomate et écrivain ; il hérite des titres de prince du Saint Empire, chevalier de la Toison d'Or, grand d'Espagne, grand bailli de Hainaut. Élevé avec rudesse, tôt intéressé aux récits et à l'observation des champs de bataille (Fontenoy, Ath, Mons, Tournai), il se distingue pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Capitaine en 1752, colonel en 1758, il brille à la tête de ses jeunes Wallons, les « blancs-becs » ; général-major en 1764, il gagne la confiance de l'empereur Joseph II, devient lieutenant général propriétaire d'un régiment d'infanterie et participe à la guerre de Succession de Bavière en 1778. La paix conclue, il voyage en Italie, en Suisse et en France. Son caractère aimable et chevaleresque lui assure le succès à Versailles ; compagnon de chevauchée de Marie-Antoinette, il laisse des Lettres remarquables sur la France et les Français (1782). Joseph II le charge d'une mission en Russie ; il plaît à Catherine II qui reconnaît en lui « une tête originale qui pense profondément et fait des folies comme un enfant ». Elle l'invitera au fameux voyage en Crimée organisé par le prince Potemkine en 1787. Nommé général d'artillerie, le prince participe au siège d'Otchakov en 1788 ; il partage avec Laudon la gloire de la prise de Belgrade en 1789 et devient commandeur de l'ordre de Marie-Thérèse. La mort de Joseph II le prive d'un ami et l'éloigne pour toujours du commandement ; la révolte des Pays-Bas contribue à cette disgrâce. Son fils se range parmi les rebelles ; lui-même s'abstient. Après la répression des troubles, en qualité de président des États de Hainaut, il fait appel au loyalisme. L'invasion française le prive de ses biens ; la mort de son fils le laisse inconsolable. L'empereur le nomme feld-maréchal en 1808 mais ne l'emploie pas contre Napoléon. Cet homme de guerre intrépide a l'amour de la gloire et du faste. Le commerce des troupes de toutes nationalités, l'étude des méthodes des grands capitaines et des grands politiques lui ont donné une profonde connaissance de l'humain. Homme d'esprit, il est l'Européen qui pense en français avec une grande indépendance de jugement. Il s'étonne de l'atmosphère figée et de l'ignorance de la cour de Louis XV vieillissant, le « monotone et ennuyeux Versailles » (1759). Ami des rois, il juge de leur intelligence, des qualités de Frédéric II, du zèle dévorant et du génie de Potemkine, de l'autorité jalouse des femmes au pouvoir (Marie-Thérèse et Catherine II). Il sillonne l'Europe de Versailles à Vienne, à Prague, à Dresde, à Potsdam avec ses postillons « Brûle-Pavé » et « Trompe-la-Mort ». Il est resté le « prince charmant » des fêtes de salons ; amoureux des jardins, il fait de son château de Belœil le cadre rêvé des fêtes galantes dans le style de Watteau ; il conseille la tsarine pour l'aménagement de Tsarskoïe Selo. Sa notoriété et ses qualités d'esprit le font inviter lors du Congrès de Vienne en 1814. On lui doit la formule : « Le Congrès danse, il ne marche pas ; quand il aura épuisé tous les genres de spectacles, je lui donnerai celui de l'enterrement d'un feld-maréchal. » Ce qui s'accomplit. Il voulut reposer sur les pentes du Kahlenberg.

Ce grand seigneur cosmopolite joua en maintes circonstances un rôle diplomatique incontestable. Fin lettré, il emporte dans toutes ses campagnes son coffre à livres et son écritoire. À Paris, il fréquente les salons, et en particulier les encyclopédistes ; ami de Rousseau, il sauve Beaumarchais, et parle avec irrévérence de chacun : « Voltaire est snob et porte un bel habit mordoré galonné d'or [...], avec cela,[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille

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