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LE BRUN CHARLES (1619-1690)

Le Brun théoricien

Il n'y a pas de désaccord entre l'art de Le Brun et sa théorie. L'analyse qu'il fit des tableaux de Raphaël et de Poussin et l'interprétation qu'il en donna, tout comme ses conférences didactiques sur l'« expression générale et particulière » (1668) ou sur la physiognomonie, révèlent ce même souci du récit et des moyens de narration.

On s'est souvent moqué de la tentative qu'il fit pour fixer les règles de l'expression des passions. Mais, comme beaucoup de ses contemporains, il voyait dans l'art un processus rationnel et pensait que le rôle d'une académie, telle que l'envisageait Colbert, était de formuler des règles. Descartes avait exposé une théorie mécaniste des passions ; Le Brun, de son côté, tenta de montrer comment ces mêmes mouvements du sang et des esprits animaux qui caractérisaient l'émotion devaient aussi affecter les muscles du visage. La théorie – et les exemples qui l'illustrent – n'était pas fondée sur des principes arbitraires ou l'observation fallacieuse d'une nature imparfaite, mais sur des principes scientifiques qui devaient garantir son exactitude et rendre les expressions ainsi fixées immédiatement reconnaissables. Ce sont les mêmes principes qui inspiraient sa théorie de physiognomonie qui reposait sur la relation qui existe entre les traits du visage et la glande pinéale que Descartes avait identifiée comme le siège de l'âme.

Les académiciens analysaient les peintures et les sculptures des anciens pour en tirer des principes sûrs qui serviraient à la création de chefs-d'œuvre. Aucun n'y réussit mieux que Le Brun dont le discours sur les Israélites récoltant la manne (1667) de Poussin est un chef-d'œuvre du genre.

Dans les peintures de Le Brun, le coloris est banal, avec une prédominance des tons bruns, et trahit un manque de subtilité dans l'harmonie des couleurs. Dans sa théorie, il considère surtout la couleur comme un moyen d'expression ou bien lui attribue une valeur symbolique. Suivant en cela Poussin, qui pensait que chaque sujet devait être traité dans un mode particulier, semblable aux modes de la musique ancienne, Le Brun donnait à la couleur un rôle important dans l'impression générale que le tableau était destiné à produire, mais il croyait également que chaque couleur pouvait être interprétée symboliquement.

Quand, en 1671, une controverse éclata à l'Académie royale entre les partisans de la couleur et ceux du dessin, Le Brun soutint les droits du dessin, non seulement parce qu'il était lui-même insensible à la valeur esthétique de la couleur, mais encore parce que le plaisir esthétique que procure la peinture, et sur lequel insistaient les partisans de la couleur, était contraire à toute sa conception de la peinture. Pour lui, la peinture était un travail sérieux, fondamentalement littéraire, un art libéral qui pouvait prendre rang aux côtés de la poésie, du théâtre et de la rhétorique. Il faut néanmoins noter qu'il tenta d'exercer une influence modératrice dans cette querelle.

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Écrit par

  • : conservateur de la collection de photographies, Warburg Institute, université de Londres (Royaume-Uni)

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Médias

<it>Entrée d'Alexandre dans Babylone</it>, C. Le Brun - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Entrée d'Alexandre dans Babylone, C. Le Brun

<it>Le Repas chez Simon le Pharisien avec Marie-Madeleine aux pieds du Christ</it>, C. Le Brun - crédits : Cameraphoto/ AKG-images

Le Repas chez Simon le Pharisien avec Marie-Madeleine aux pieds du Christ, C. Le Brun

<it>Moïse défend les filles de Jéthro</it>, C. Le Brun - crédits :  Bridgeman Images

Moïse défend les filles de Jéthro, C. Le Brun

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