LE BRUN CHARLES (1619-1690)
Le Brun à Versailles
Le contrôle que Le Brun exerça sur les travaux exécutés à Versailles fut quelque peu différent. Cependant, c'est à son influence qu'il faut attribuer l'unité de style qui caractérisait, dans le palais, la décoration datant du xviie siècle. C'est lui qui a probablement choisi les artistes, et, de toute façon, le fait que ceux-ci (qui subissaient d'autre part des évolutions différentes) connaissaient les goûts de Le Brun aurait suffi à leur imposer une certaine conformité de style dans le respect de sa manière.
L'ampleur de l'entreprise fut telle que bon nombre d'artistes y prirent part : de Gabriel Blanchard à Claude II Vignon, de Jean-Baptiste Champaigne à Gilbert de Sève, la liste comprenait presque tous les artistes compétents de Paris, dont beaucoup, tels Blanchard et Champaigne, s'étaient ouvertement opposés à Le Brun à l'Académie. Il n'est pas évident qu'il ait directement dirigé leurs travaux ou leur ait imposé son contrôle. Certains, tel Claude II Audran, avaient collaboré avec lui aux Gobelins, ou ailleurs, et avaient, faute de personnalité, complètement adopté sa manière. René-Antoine Houasse, très proche de lui par la parenté et l'amitié, peignit le plafond du salon de Vénus, qui est le seul dont on puisse prouver que Le Brun créa au moins quelques-uns des dessins. Par contre, dans le salon de l'Abondance, qui est aussi son œuvre, on trouve peu de traces de l'influence de Le Brun, mais un illusionnisme qui est tout à fait étranger à son style. Même dans le grand appartement principal du roi, les peintres semblent avoir laissé libre cours à leur propre inspiration dans les limites du plan décoratif général qui ne variera pas. Cela est vrai, même des peintres qui avaient reçu leur formation dans l'atelier de Le Brun, tel Charles de La Fosse, dont le plafond du salon d'Apollon a une luminosité et une délicatesse de couleur qui ne doivent rien à l'enseignement de son maître.
La participation propre de Le Brun se limite à l'escalier des Ambassadeurs (1674-1678, détruit) et à la galerie des Glaces (1678-1684) avec ses salons de la Paix et de la Guerre (1684-1687). Là, les peintres qui furent engagés pour exécuter ses dessins durent s'y conformer rigoureusement.
La position des sculpteurs était quelque peu différente bien qu'ils fussent soumis à la tradition bien établie des sculpteurs qui travaillaient d'après les dessins d'un peintre ou d'un architecte. Le Brun fournit les dessins d'une bonne partie de la statuaire des jardins, mais ils se contentaient d'indiquer l'iconographie et l'agencement général ; le sculpteur semble avoir été libre de les adapter à une œuvre à trois dimensions : les plus personnels, comme François Girardon, dans L'Hiver (1675-1683), réalisèrent une composition très différente du projet du peintre.
La personnalité artistique de Le Brun offre encore matière à discussion après la critique favorable parue dans le catalogue de l'exposition de Versailles (1953) et l'occasion que celle-ci a fournie de donner un aperçu général de son art.
La forte autorité que Le Brun exerça fut discutée par ses contemporains, car personne ne peut atteindre à un tel rang sans se faire des ennemis. Son ambition est indiscutable et, s'il n'a pas vraiment rompu les règles de l'Académie, il les a fléchies à son propre avantage, mais son dévouement à cette institution et à ses intérêts est hors de question.
Des études sur l'art de Louis XIV (Au temps du Roi-Soleil, exposition tenue à Lille, en 1968) montrent que la prétendue uniformité du style est moins apparente qu'on l'a souvent suggéré et contredisent la légende selon laquelle Le Brun aurait exercé une tyrannie artistique ; que son succès dût inciter de moins doués à imiter sa[...]
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Écrit par
- Jennifer MONTAGU : conservateur de la collection de photographies, Warburg Institute, université de Londres (Royaume-Uni)
Classification
Médias
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