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CLÉRISSEAU CHARLES LOUIS (1721-1820)

L'architecte français Clérisseau occupe une place essentielle parmi les créateurs du néo-classicisme. Son œuvre est avant tout le fait de contacts, de découvertes, de regards nouveaux qui lui inspirent un grand nombre de dessins et de gouaches. Né à Paris, élève de J. F. Blondel et de Boffrand à l'Académie royale d'architecture, il remporte le grand prix de 1746 et séjourne à Rome, comme pensionnaire du roi, de 1749 à 1754. Il y peint des compositions architecturales influencées par le maître du genre : Panini. Il devient l'ami de Piranèse, dont il partage le goût des ruines, la passion de la Rome antique. Sur le chemin du retour en France, Clérisseau rencontre l'architecte anglais Robert Adam, dont il sera le guide et le compagnon de voyage de 1755 à 1757, parcourant les sites antiques de l'Italie, allant jusqu'en Dalmatie, avant de travailler avec le frère de Robert, James Adam, de 1760 à 1763. Il accumule croquis et observations, relevés et gouaches. L'édition des dessins du palais de Dioclétien à Split, qui paraît en 1764 en anglais, consacre Robert Adam comme le créateur d'un nouveau style architectural dans le décor intérieur, appelé à un succès considérable en Angleterre.

<it>Chambre des ruines</it> - crédits :  Bridgeman Images

Chambre des ruines

Paysans près de l'arc de Sergius à Poia, C. L. Clérisseau - crédits :  Bridgeman Images

Paysans près de l'arc de Sergius à Poia, C. L. Clérisseau

Longtemps, le rôle dévolu à Clérisseau a été celui d'un obscur dessinateur, et non du précurseur qu'il fut. À Rome, il fréquente le milieu international des intellectuels, où triomphe son ami Winckelmann et où passent les riches amateurs anglais. Clérisseau place ses compositions « à l'antique » sur les murs eux-mêmes : il décore le café de la villa Albani de vues de Dalmatie et met en scène l'étonnant trompe-l'œil de ruines dans la chambre du Perroquet au couvent de la Trinité-des-Monts. Après vingt années de séjour italien, il rentre en France en 1767, échoue dans un projet de construction du château Borély à Marseille, puis est reçu deux ans plus tard à l'Académie de peinture en présentant des gouaches. Ces œuvres connaissent le succès, en particulier en Angleterre où il se rend de 1771 à 1773. Peu après, sa décoration intérieure de l'hôtel Grimod de la Reynière à Paris est très remarquée. Par l'entremise de Grimm, il devient architecte-conseil de Catherine II et expédie en Russie de coûteux projets qui ne sont pas réalisés. Plus importante est l'acquisition par l'impératrice en 1779 de son énorme production de dessins à l'aquarelle et à la gouache, qui se trouve encore à l'Ermitage. Il s'agit d'un répertoire de formes antiques, véritable source de l'art décoratif néo-classique, qui a influencé des générations d'architectes de Saint-Pétersbourg à commencer par Cameron et Quarenghi. Le Nouveau Monde s'adresse aussi à Clérisseau : Jefferson le consulte pour la construction du Capitole de l'État de Virginie à Richmond, édifié de 1784 à 1790 à l'exemple de la Maison carrée de Nîmes, que Clérisseau avait publiée en 1778 dans son premier album des Antiquités de la France, ambitieuse publication restée inachevée. Ami des artistes de l'avant-garde des années 1750, conseiller de ceux qui veulent implanter un art nouveau dans leur lointain pays, Clérisseau est un personnage exemplaire du siècle des Lumières, où le pouvoir de l'architecte ne s'exprime ni par ses monuments ni par ses livres, mais par le rayonnement de sa pensée et l'influence de ses dessins.

— Jean-Pierre MOUILLESEAUX

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Écrit par

  • : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites

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Médias

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Paysans près de l'arc de Sergius à Poia, C. L. Clérisseau - crédits :  Bridgeman Images

Paysans près de l'arc de Sergius à Poia, C. L. Clérisseau