LOUPOT CHARLES (1892-1962)
Créateur de quelques-unes des publicités qui ont profondément marqué un large public, Charles Loupot a pourtant rarement son nom associé à ces créations.
Après des études à l'École des beaux-arts de Lyon, sa ville natale, il est mobilisé et envoyé au front. Blessé, il est réformé. Il se rend alors en Suisse où résident ses parents. Il réalise ses premières œuvres en Suisse romande, puis en Suisse alémanique. Son style est alors influencé par Cappiello, dont il adopte le point de vue selon lequel l'affiche doit être conçue comme une arabesque. Loupot va synthétiser cette arabesque jusqu'à l'exprimer avec un minimum de lignes. Raga la plus fine cigarette orientale (1919) montre deux fumées s'échappant de cigarettes posées sur le bord d'un cendrier, l'une verticale, l'autre amorçant une spirale : l'artiste fait déjà preuve dans cette affiche de son pouvoir de synthèse et de suggestion. Ses fonds sont alors très travaillés et vibrent. L'affiche réalisée pour les automobiles Philippossian le révèle possédé par l'expression de la vitesse, ce qui laisse supposer qu'il n'a pas été insensible à l'influence des futuristes.
Charles Loupot revient en France en 1923, à la demande d'un imprimeur. Les illustrations pour la Gazette du bon ton et les couvertures de Femina (1924-1925) montrent des femmes dont le maintien rappelle les modèles de Van Dongen. C'est en traitant le thème de l'automobile pour la marque Voisin qu'il commence à se dégager de toute influence. Si la première affiche pour cette marque est d'une exécution toute cézanienne, l'autre figure une automobile de profil sur un globe terrestre à peine amorcé ; au-dessus, un espace vide occupe les deux tiers de l'affiche — l'ensemble étant encadré d'une bordure subtilement traitée en dégradé.
Les affiches se succèdent. Les plus marquantes sont celles du « T Twinings » (1930), des Galeries Barbès, avec un bonhomme taillé dans des planches, le « Bonhomme » Valentine tout en courbes (1929), le col Van Heusen, étonnante composition de caractère cubiste où le personnage porte la marque déposée en guise de monocle (1928), l'affiche Coty, où sur un visage sans yeux traité à l'aérographe d'une manière très vaporeuse est posée une bouche d'un rouge cerise (1938).
En 1937, il va faire naître un phénomène publicitaire sans précédent. Convié par Saint-Raphaël à renouveler l'image des deux garçons de café qui symbolisent la marque, il va assurer un « suivi » publicitaire dont certaines séquences doivent être assimilées aux grandes réussites de l'art mural. Dans un ensemble où sont vus comme d'un avion les grands monuments de Paris, les deux garçons, déjà très stylisés, courent avec leur plateau surmonté d'une bouteille. Il développe cette idée de base sur des panneaux de grandes surfaces (jusqu'à 400 m2). Il divise ensuite cette image afin de créer une combinatoire.
Pendant l'Occupation, Loupot se retire dans sa maison, près de Paris. En 1945, il reprend son travail sur les deux personnages Saint-Raphaël qu'il assimile, selon ses propres termes, à des « figures typographiques s'intégrant au caractère d'annonces ». Les silhouettes bien découpées des deux personnages sont épurées jusqu'à devenir des pièces d'échiquier. Leurs lignes, prolongées, formeront de nouveaux espaces publicitaires. Utilisées totalement ou partiellement, ces formes occupent non seulement les panneaux publicitaires, mais apparaissent comme les éléments d'un rythme à l'intérieur des autobus où elles courent sous forme de frises.
D'autres réalisations marqueront la fin de cette carrière jalonnée de réussites : l'affiche Lion noir (1949), le Nectar livreur de chez Nicolas réduit à l'état de signe (1954),[...]
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Écrit par
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