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WIDOR CHARLES MARIE (1844-1937)

Lyonnais d'origine, mais d'ascendance hongroise, petit-fils d'un facteur d'orgues alsacien, Charles Marie Widor est l'un des représentants éminents de l'école romantique post-franckiste. Pour l'instrument de Cavaillé-Coll, il écrivit, ainsi qu'Alexandre Guilmant, des symphonies, les premières du genre. Tout jeune, il fut organiste de l'église Saint-François (Lyon) ; il partit à Bruxelles suivre les cours de François-Joseph Fétis et de Jacques Nicolas Lemmens, lequel se prétendait le dépositaire de la véritable tradition de Jean-Sébastien Bach (à travers Adolph Hesse et Johann Nikolaus Forkel) ; quelle que soit la linéarité de pareille succession, l'aboutissement esthétique, tant chez le maître belge que chez l'organiste français, manifeste, pour le moins, une profonde méconnaissance de ce que furent l'orgue baroque et le style d'interprétation des œuvres écrites pour lui. À vingt-quatre ans, Widor succède à Louis Lefébure-Wély aux cinq claviers de Saint-Sulpice (Paris), où il demeurera, pendant soixante-quatre ans, jusqu'à sa mort. Il fut professeur au Conservatoire de Paris (orgue, 1890-1896, après César Franck ; contrepoint et fugue, 1896-1904, après Théodore Dubois ; composition, à partir de 1905).

Son œuvre pour orchestre, pour la scène, sa musique de chambre et ses mélodies furent longtemps méconnues, même si son ballet La Korrigane (1880) eut quelque succès. Avec sa Messe pour double chœur et deux orgues, il met en honneur un style triomphant qui aura ses émules (Louis Vierne notamment). Il aime les grandes masses sonores à l'orgue, tout autant que les effets nostalgiques de boîte expressive. Ses dix symphonies, écrites de 1876 à 1900, valent surtout par leur architecture solide (cf. les grands allegros bithématiques, fort bien construits). C'est là qu'il inaugure les effets de staccato continu à l'orgue (quelque peu alourdi par les machines Barker !), ainsi dans le finale de la Deuxième Symphonie ou dans la toccata de la Cinquième, où il manifeste un sens profond du rythme. Mais il demeure le protagoniste du legato absolu, de l'art décoratif de Lemmens, de la facture Cavaillé-Coll, ce qui l'éloigne irrémédiablement de l'art de Bach, qu'il prétend continuer. Les deux dernières symphonies sont certainement les plus réussies : la Neuvième, dite Gothique (1895) et qui s'inspire du thème grégorien Puer natus est (Noël), la Dixième, dite Romane et qui prend pour motif conducteur l'Haec Dies du graduel de Pâques.

L'écriture widorienne ne maintient certes pas la pureté franckiste, elle verserait même parfois dans un certain académisme et favoriserait l'extériorité virtuose. Widor, en tout état de cause, a voulu préconiser un style d'orgue résolument neuf : « L'orgue moderne, dit-il, est essentiellement symphonique ; à l'instrument nouveau, il faut une langue nouvelle, un autre idéal que celui de la polyphonie scolastique. » On a loué sa simplicité, sa largeur d'esprit, sa distinction ; mais ses lacunes, dues partiellement à l'état rudimentaire des connaissances musicologiques de l'époque, n'expliquent pas, par exemple, le mépris qu'il affichait de l'orgue ancien français, qu'il connaissait fort mal (voir sa préface aux Maîtres français de l'orgue, recueil publié par F. Raugel). Un seul exemple : si l'on avait écouté ses conseils, qui ne furent pas suivis faute d'argent, l'un des chefs-d'œuvre de la facture du xviiie siècle français, l'orgue de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, aurait disparu. Parmi ses élèves, citons Henri Libert, Charles Tournemire, Louis Vierne et Marcel Dupré.

— Pierre-Paul LACAS

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

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