NATOIRE CHARLES (1700-1777)
Artiste savant et délicat qui ne bénéficie pas actuellement de toute la réputation qui pourrait être la sienne. La carrière de Charles Natoire, à en juger d'après les critères de la hiérarchie académique, fut un modèle : premier prix de peinture en 1721, séjour à Rome, entrée à l'Académie en 1734 ; s'il ne fut jamais premier peintre, il obtint en 1751 le poste de directeur de l'Académie de France à Rome et le conserva jusqu'en 1775.
Le génie de Natoire est de ceux qui s'accommodent le mieux du genre lyrique, tout au contraire de Carle Van Loo auquel le genre héroïque convenait davantage. Dans les grandes entreprises, on le sent un peu contraint et le souffle lui manque. La série de tableaux sur l'histoire de Clovis, commandée en 1737 (musée de Troyes), en est un exemple ; l'ensemble est intéressant, car il s'agit probablement de la première manifestation en peinture de ce qui deviendra le style troubadour. Mais Natoire ne cherche pas encore le pittoresque dans les accessoires et habille ses guerriers francs en soldats antiques. Avec quelque science qu'il groupe ses personnages, il n'arrive pas à donner aux scènes de batailles et de sièges un véritable mouvement épique ; la pureté un peu sèche de son dessin et le caractère fade du coloris privent de force ces grands tableaux. Les mêmes défauts seraient à noter une vingtaine d'années plus tard dans le grand plafond de Saint-Louis-des-Français, à Rome.
À l'hôtel Soubise, où il travaillait (1738-1740) sur le même chantier que Carle Van Loo, Restout, Boucher et Trémolières, Natoire montre au contraire une personnalité originale et ne souffre en rien de la comparaison avec ses grands contemporains. Il avait presque la plus belle part, puisque tous les panneaux peints du salon ovale de la princesse lui reviennent. Dans ces espèces de pendentifs triangulaires aux bords chantournés, il insère ses compositions sur l'histoire de Psyché avec simplicité et grâce ; les tonalités des peintures seraient peut-être doucereuses si on les isolait, mais l'accord avec les boiseries est parfait. Jamais sans doute la délicatesse alexandrine dont La Fontaine a baigné son roman n'a trouvé de meilleur équivalent dans les arts figurés.
Dans la grande génération des peintres du rococo français, Natoire, par la correction et la retenue qu'il sait toujours conserver, représente la permanence d'une tradition de goût mesuré. S'il n'est pas un génie de premier plan, ses qualités de dessinateur et de peintre et son rôle de professeur en font cependant une figure à laquelle on n'a pas encore rendu pleine justice.
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Écrit par
- Georges BRUNEL : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, conservateur des objets d'art des églises de la Ville de Paris
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Média
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