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OLSON CHARLES (1910-1970)

Né à Worcester (Massachusetts), le poète Charles Olson demeure associé pour nous au célèbre Black Mountain College, institution privée inaugurée dans les années 1930 et dont il fut le directeur. Mais Olson, auteur d'un essai sur Melville (Call me Ishmael, 1947), est d'abord celui qui, dans son manifeste « projectiviste » (1951), introduisit la notion de souffle en poésie. Non pas qu'elle en fût vraiment absente au cours des âges ni ne fût déjà présente dans les poèmes fondateurs de Walt Whitman, mais le souffle dont il s'agit ici est défini comme subtilement inhérent à la syllabe. Il est cette quantité syllabique initiale que l'oreille du poète doit repérer avec le plus de finesse et de consistance possibles. La théorie projectiviste va essayer d'asseoir différemment la légitimité du vers libre, appelé par Olson « non projectif » ou encore « vers fermé ». Seule une conception « ouverte » de ce vers, dans laquelle le poète réussira à concilier simultanément « les acquisitions de son oreille et les pressions de son souffle », sera désormais retenue comme valable. Dans le meilleur des cas, cette attention sans défaillance mène la composition poétique vers un équilibre idéalement aristotélicien de la forme et du contenu. Syllabe mentale, vers pneumatique font la qualité cinétique du poème qui veut que l'on passe d'une perception à l'autre sans solution de continuité. La marche de Walt Whitman laisse place ici à une progression plus intellectuelle, moins sollicitée et informée par les sens que par le discours.

En radicalisant la tendance du vers américain inaugurée par William Carlos Williams, qui, le premier, faisait du poème une mécanique à progresser dans l'espace, Charles Olson va plus loin qu'un simple ajustement de la technique poétique au monde moderne : il fait sienne la philosophie du changement. Le poème The Kingfishers (Les Martins-pêcheurs) est à cet égard un poème-déclaration qui ne laisse aucune ambiguïté. Comme ces mécaniques ailées, fragiles mais cruellement précises, que sont les martins-pêcheurs, nous sommes des êtres promis au passage entre l'origine et la fin, des êtres intermédiaires n'ayant d'achèvement que dans l'éphémère. Charles Olson est, en ce sens, sans doute plus américain qu'il ne le croyait profondément. Sa poésie refuse la sentimentalité propre à la nostalgie. Il avance dans le futur comme un pionnier, et s'il reprend depuis l'origine l'histoire de l'Amérique dans sa somme majeure, The Maximus Poems (publiée en version intégrale de six cent cinquante-deux pages sous la direction de George Butterick, à l'université de Californie, en 1981), c'est pour en modifier la geste fondatrice et tenter la recomposition d'un destin jugé faussé par lui, depuis l'origine, par la trop grande attention portée aux puritains du Mayflower. L'Amérique, dit Olson, est autre que ce qu'en a fait la légende. L'Amérique a été fondée par des inconnus, des pêcheurs basques ou anglais venus du Dorset et qui n'ont pas jugé bon de laisser d'autres traces que de simples feux de pierre sur les rivages. Iconoclastes, les Maximus Poems sont le fruit logique d'une croyance au « mouvement ». En incluant aussi les valeurs espagnoles et indiennes — mayas, en particulier, comme en témoignent les Lettres mayas (1953) —, Olson dessine un grand arc conduisant des comptoirs phéniciens de la Méditerranée aux rives du Pacifique, qu'il désigne comme lieu privilégié des civilisations à venir. Une nouvelle fois avec lui, comme chez Whitman, est réitérée la coupure avec la culture classique occidentale traditionnelle au profit d'une nouvelle culture indigène. Car l'Indien n'est jamais loin chez Olson. Sa sagesse est celle du désert. Sa poésie est faite de souffle contenu, suspendu,[...]

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Écrit par

  • : écrivain, professeur de littérature anglo-américaine

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