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PÉGUY CHARLES (1873-1914)

Péguy - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Péguy

Aucun auteur n'est cité aussi souvent que Péguy, mais peu d'écrivains de renom sont aussi peu lus. Péguy échappe difficilement aux clichés qui se sont accumulés au cours des années. Il se réduit pour la plupart de nos contemporains à quelques formules : celles qui l'ancrent dans un nationalisme outrancier, scellé par sa mort au champ d'honneur ; dans un catholicisme pieux, de pèlerinages et de cathédrales ; dans un moralisme “Travail, Famille, Patrie”, car la révolution nationale a tenté de l'annexer. Elle y a réussi : l'image de ce qu'il fut pour les résistants a disparu au profit de cette récupération vichyste, si contraire à ce que fut ce constant anarchiste. “Sa tête est révolution”, disait Maurras. De nombreuses études sont venues récemment rétablir cette image dévaluée, mettant en lumière la pensée politique de Péguy hantée par la crainte d'un socialisme autoritaire, sa réflexion sur l'histoire, le sens qu'il donne à l'espérance chrétienne. On a relu les textes en prose, quelque peu oubliés et réputés illisibles, et on a redécouvert la richesse de la pensée et l'originalité de l'écriture.

La vie et l'œuvre

Né le 7 janvier 1873 à Orléans, faubourg Bourgogne, dans un milieu de petits artisans, Charles Péguy est entretenu par sa mère, rempailleuse de chaises, dans le souvenir de son père, Désiré, menuisier, mort des suites du siège de Paris. L'école fait de cette vie d'enfant un modèle exemplaire : c'est l'époque des bataillons scolaires, du Tour de la France par deux enfants où l'on développe le sentiment de la grandeur de la France, vaincue et pourtant plus noble et plus grande que l'Allemagne qui l'a écrasée. “Tout est joué avant que nous ayons douze ans” : l'enfant puise là un sentiment de révolte contre les puissants, l'idée que toujours les états-majors trahissent les humbles, inattendus chez le petit garçon modèle, l'élève sérieux et travailleur dont un récit, Pierre, commencement d'une vie bourgeoise, raconte les débuts.

En 1884, muni de son certificat d'études, il entre à l'école primaire supérieure du Loiret. Une intervention du directeur de l'école normale primaire l'oriente vers le lycée et l'introduit aux humanités ; c'est alors pour lui l'itinéraire classique d'un “boursier de la IIIe République”, couronné par un succès au concours d'entrée à l'École normale supérieure en 1894. Pourtant, c'est l'esprit d'insurrection que Péguy retient dans cette culture bourgeoise : Antigone, les volontaires de l'an II, les Châtiments... Et c'est très naturellement qu'il adhère en 1895 au socialisme, l'acte le plus important de sa vie morale, le seul pour lequel il accepte le mot de “conversion”. Péguy est alors tout à fait étranger au christianisme et violemment anticlérical. C'est pourtant la figure de Jeanne d'Arc qu'il choisira pour incarner son idéal socialiste dans une trilogie – Domrémy, Les Batailles, Rouen – pour laquelle il demande un congé d'École. Jeanne d'Arc paraît en 1897 ainsi qu'un manifeste, De la cité socialiste, fortement inspiré par l'anarchisme de Jean Grave, et Marcel, premier dialogue de la Cité harmonieuse (1898), utopie de la cité future, au-delà de la “militation” héroïque à laquelle introduit Jeanne d'Arc. Péguy est alors le compagnon de Jaurès.

Péguy allait trouver dans l'affaire Dreyfus l'incarnation de cet engagement intellectuel. La librairie qu'il avait fondée en 1898 grâce à l'argent de sa femme (il s'était marié l'année précédente) devint un bastion du dreyfusisme. Pour Péguy, dreyfusisme et socialisme ne font qu'un. Ceux qui refusent la condamnation d'un innocent sont les soldats de la révolution,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de littérature française à l'université de Paris-X

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Média

Péguy - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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