PERRAULT CHARLES (1628-1703)
Le plus énigmatique des grands classiques français a revendiqué la paternité de la colonnade du Louvre, mais non celle des Histoires, ou Contes du temps passé, publiées anonymement en 1697, précédées d'une dédicace de son troisième fils, Pierre Perrault Darmancour. La célébrité de ce recueil en prose a rejeté dans l'ombre une œuvre abondante, poèmes burlesques ou précieux, épopées chrétiennes, pièces de théâtre, mémoires et surtout réflexions critiques qui foisonnent d'idées neuves.
Le commis de Colbert
Né à Paris, cadet d'une famille appartenant à la bourgeoisie parlementaire, d'orientation janséniste, élevé dans l'horreur des « superstitions populaires », Perrault s'intéresse passionnément aux problèmes scientifiques qui sont débattus dans son milieu (aussi bien en mathématiques qu'en mécanique ou en hydrologie, en médecine qu'en architecture). Mais, très tôt, il découvre que c'est la littérature qui constitue sa vraie vocation.
Étudiant en droit civil, il est reçu avocat à Orléans, mais ne plaide guère et publie en 1653 un poème burlesque écrit en collaboration avec ses frères (dont Claude Perrault, le futur « médecin-architecte », auteur présumé du Louvre), Les Murs de Troie, qui attaque avec verve l'Antiquité. Commis de son frère Pierre, receveur général des Finances de Paris, il le quitte en 1663 pour entrer au service de Colbert. Pendant vingt ans, il travaille auprès du puissant ministre, d'abord comme commis, puis comme contrôleur général des Bâtiments, et, à partir de 1672, comme académicien. Plus particulièrement préposé, semble-t-il, à la mise en place et à l'organisation de l'absolutisme dans le secteur des intellectuels, il dirige avec Jean Chapelain le service de la propagande royale, clé de voûte du système, et, à ce titre, suscite et corrige les éloges et explications de la politique du roi et distribue les gratifications destinées aux artistes ralliés. Il porte aussi les instructions de Colbert aux diverses Académies qui viennent d'être créées, compose des devises – en latin – célébrant les victoires et les réalisations de Louis XIV, surveille l'édification des palais et des monuments destinés à donner une haute idée de la magnificence royale. L'inimitié de Racine, de Boileau et surtout celle de Louvois lui font perdre sa place en 1683, quelques mois avant la mort de Colbert. Pour la reconquérir, il joue la carte de l'« humanisme dévot » et publie, peu après la révocation de l'édit de Nantes, Saint Paulin, épopée chrétienne qui rappelle, contre la « galanterie » de Racine, les exigences de l'« art moral » ; puis, en 1687, il relance à l'Académie française la vieille « querelle des Anciens et des Modernes » avec un retentissant poème, Le Siècle de Louis le Grand, qui, habilement, associe l'Antiquité au paganisme et l'art « moderne » à l'influence du roi et au christianisme, étape décisive dans l'évolution de l'humanité.
Entraîné malgré lui dans une longue polémique, il publie entre 1688 et 1696 les quatre volumes du Parallèle (entre les Anciens et les Modernes), qui peut être considéré comme une des premières recherches de littérature comparée, et un recueil de biographies critiques, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant le XVIIe siècle, ouvrage tendancieux qui contribue à créer le mythe du « siècle de Louis XIV », mais qui est plein de renseignements de première main sur l'époque.
Les dernières années de la vie de l'artiste sont assombries par un drame : son fils Pierre, né en 1678, l'auteur présumé des fameux contes, est impliqué dans un meurtre quelques semaines après leur parution et condamné à une lourde amende ; il meurt à vingt et un ans. Très attaqué à propos de la colonnade du Louvre[...]
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Écrit par
- Marc SORIANO : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur émérite à l'université de Paris-VII-Jussieu
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Média
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