PIETRI CHARLES (1932-1991)
Charles Pietri a été l’un des plus grands spécialistes de l'histoire du christianisme. Né à Marseille le 18 avril 1932, khâgneux au lycée Thiers, Charles Pietri entre en 1952 à l'École normale supérieure. Après l'agrégation d'histoire et un séjour à l'École française de Rome, il est attaché de recherche au C.N.R.S., assistant à la Sorbonne, maître assistant à l'université de Lille, puis maître de conférences à Paris-Nanterre, avant de succéder, en 1975, sur la chaire d'histoire ancienne du christianisme de Paris-Sorbonne, à son maître, Henri-Irénée Marrou (1904-1977). En 1983, il revient à l'École de Rome comme directeur. C'est au cours d'un second mandat, inauguré en 1989, qu'il est foudroyé par la maladie, à l'aube du 7 août 1991.
Au-delà de cette carrière brillante et des honneurs que lui décernèrent la France, l'Italie et le Saint-Siège, Charles Pietri laisse le souvenir d'un rayonnement personnel peu commun. Ses disciples de la Sorbonne n'oublieront pas les séminaires où, sur des sujets aussi variés que l'idée chrétienne de la parenté, la vie de l'empereur Constantin ou l'histoire des disputes christologiques, ils admiraient en lui l'alliance du savoir et de la gaieté. À l'École de Rome (qui, sous cette appellation trompeuse, est en réalité un institut français de recherche sur l'Empire romain et sur l'Italie, des Étrusques à nos jours), Pietri apporta, pendant huit années, son inlassable énergie et son sens de l'innovation. Il encouragea la participation française à des programmes archéologiques non seulement dans toute l'Italie, mais aussi dans d'autres pays de la Méditerranée occidentale : Yougoslavie, Tunisie, Maroc et, grâce à un accord signé au printemps de 1991, en Algérie. Il organisa sur de multiples périodes ou thèmes historiques des rencontres internationales, notamment des colloques sur la papauté et l'Église contemporaines, dans lesquels il intervenait. Parmi ses dernières initiatives, il faut citer la réalisation d'un vidéodisque sur lequel sont enregistrées, par milliers, les enluminures de manuscrits de la Bibliothèque vaticane.
Pour les savants du pays qui l'accueillait, Pietri était l'homme d'un dialogue étonnamment fécond. Malgré d'écrasantes responsabilités, Charles Pietri ne cessait d'écrire. Il lègue une œuvre que son départ prématuré n'a pas empêchée d'atteindre des dimensions impressionnantes et que domine, moins par la masse de ses presque deux mille pages imprimées que par la force de son armature conceptuelle, sa thèse publiée en 1976 :Roma christiana. Recherches sur l'Église de Rome, son organisation, sa politique, son idéologie, de Miltiade à Sixte III (311-440). Grâce à une érudition qui maîtrise les sources les plus diverses (vestiges architecturaux, fresques des catacombes, sarcophages historiés, inscriptions, textes grecs et latins), Pietri s'y révèle le continuateur d'un De Rossi (1822-1894) et d'un Mgr Duchesne (1843-1922). Par l'acuité d'un regard qui confronte, au lieu de les séparer, les institutions et les représentations collectives, la diplomatie pontificale et les progrès de la mission urbaine, les expressions artistiques de la foi et les débats des théologiens, il s'y approche de cette histoire totale (« une analyse globale », dit-il modestement) que souhaitèrent d'autres grands savants.
Outre ces deux volumes monumentaux (qu'il serait utile de réimprimer) et la direction d'ouvrages collectifs (Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, Prosopographie chrétienne du Bas-Empire et, avec André Vauchez, Marc Venard et Jean-Marie Mayeur, une nouvelle Histoire du christianisme), près de cent cinquante articles illustrent les multiples aspects[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Marie SALAMITO : ancien élève de l'École normale supérieure, ancien membre de l'École française de Rome, attaché d'enseignement et de recherche à l'université de Strasbourg-II
Classification