CHARLES QUINT (1500-1558)
La formation d'un empire dans le Nouveau Monde
Grand voyageur, Charles Quint n'a cependant pas traversé l'Atlantique au-delà duquel s'édifiait un nouvel empire. À son avènement, les Espagnols étaient installés à Saint-Domingue, Cuba, Porto Rico et dans quelques établissements du côté de l'isthme de Panamá. Son règne coïncida avec d'extraordinaires expéditions de découverte, dont la plus célèbre fut le premier tour du monde, commencé par Magellan et mené à bien par Juan Sebastián Elcano (1519-1522). Ce fut aussi celui de la Conquista. D'immenses territoires furent conquis par une poignée d'aventuriers, qui devaient leur supériorité sur les indigènes à l'emploi des chevaux et des armes à feu. La soif de l'or en fut le principal mobile, mais le souci de l'évangélisation n'y fut pas étranger. Hernán Cortés détruisit l'empire aztèque et devint maître du Mexique (1519-1521). Francisco Pizarro ruina l'empire des Incas et s'empara du Pérou (1532-1533). La conquête du Chili, commencée par Almagro, fut poursuivie par Valdivia. Gonzalo Jiménez de Quesada fut le fondateur de l'actuelle Colombie. Le Venezuela fut colonisé avec l'aide d'hommes d'affaires allemands. Enfin, des établissements furent fondés dans les pays de La Plata. Celui de Buenos Aires fut éphémère, mais celui d'Asunción, dans l'actuel Paraguay, eut une existence plus durable.
La conquête s'effectua dans un certain désordre et fut marquée par de nombreux excès ; assez rapidement, une administration régulière put cependant être établie. Dans la métropole, le Conseil des Indes, fondé en 1524, eut la haute main sur les affaires d'Amérique. Cortés ne conserva pas le gouvernement du Mexique, confié en 1535 à un vice-roi, don Antonio de Mendoza. Au Pérou, des luttes sanglantes opposèrent deux familles de conquistadores, les Pizarro et les Almagro. Il fallut attendre la mission du licencié Pedro de Lagasca pour rétablir l'ordre (1548) et la vice-royauté du Pérou, créée quelques années auparavant, put fonctionner normalement.
Le sort des indigènes ne laissa pas l'empereur indifférent. Le régime de l'encomienda, inspiré du système seigneurial, les soumettait à l'autorité des colons. Ses excès furent dénoncés par un moine dominicain, le père Las Casas, dont les critiques contribuèrent à la publication des LeyesNuevas(1542). Elles décrétèrent la suppression de l'encomienda, mais leur application se heurta à la résistance des colons, et l'on en revint à la situation antérieure. Comme il fallait de toute façon une main-d'œuvre servile, on recourut de plus en plus à la traite des Noirs, dont l'esclavage ne fut guère contesté.
L'agriculture américaine fut prodigieusement transformée par l'introduction de nombreuses plantes européennes, dont le blé et la vigne, et par celle du bétail, dont la prolifération fut extraordinaire. Les métaux précieux furent avidement recherchés : l'or d'abord dans les îles, puis de plus en plus l'argent au Mexique, et surtout, après la découverte du gisement du Potosi en 1545, au Pérou. Dès le règne des Rois Catholiques, le commerce avec l'Amérique avait été soumis à l'autorité de la Casa de la Contrataciónde Séville, ce port jouissant d'un monopole. Les relations maritimes, assurées d'abord par des navires isolés, durent être protégées contre les attaques des corsaires et, après la conquête du Pérou, on commença à organiser des convois annuels. Les historiens se sont attachés à évaluer les importations de métaux précieux en Espagne et le tonnage des navires utilisés. Selon les calculs de Earl J. Hamilton, le montant des importations par période de cinq ans serait passé de 1 191 835 ducats (1516-1520) à 11 838 637 (1551-1555). H. et P. Chaunu ont évalué le tonnage[...]
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Écrit par
- Henri LAPEYRE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble
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