MONTALEMBERT CHARLES RENÉ FORBES comte de (1810-1870)
Un des principaux représentants du libéralisme catholique au xixe siècle. Fils d'un noble émigré et marié en Angleterre, il fut élevé jusqu'à l'âge de dix ans par son grand-père maternel, J. Forbes, et conserva toute sa vie de cette éducation un vif attachement à la religion, un goût prononcé pour l'étude et une admiration pour les institutions parlementaires britanniques. La découverte en 1828 des écrits de Görres et d'autres romantiques catholiques allemands (on en retrouvera l'influence dans son Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie, 1836, qui allait ouvrir une nouvelle voie à l'hagiographie française) et un séjour en 1830 dans l'Irlande d'O'Connell le confirment dans son projet de consacrer sa vie au service de l'Église en travaillant à la réconciliation du catholicisme avec le libéralisme politique. C'est dans cet esprit qu'il devint l'un des principaux collaborateurs de Lamennais dans l'équipe de L'Avenir et qu'il accompagna celui-ci à Rome en 1831-1832. Malgré sa douloureuse déception à la suite de la double condamnation par Grégoire XVI du libéralisme et de l'insurrection nationale polonaise, il se refusa à rompre avec Rome, soutenu notamment par son ami Lacordaire.
Marié en 1836 à une fille de Félix de Mérode, l'un des pionniers de l'indépendance belge, Montalembert, après un intermède de quatre ans, où il s'était intéressé à des travaux littéraires et à des problèmes d'art chrétien, rentra dans l'arène parlementaire ; avec son ardeur chevaleresque et son talent oratoire, il se fait le champion des intérêts catholiques à la Chambre des pairs, en particulier en matière d'enseignement. Fidèle à l'idéal de ses vingt ans, mais avec plus de diplomatie dans la forme, il se place sur le terrain du droit commun, ne réclamant pour l'Église ni privilège ni droit de contrôle sur l'enseignement public, mais simplement la liberté d'enseignement promise par la charte. Il réussit à gagner à son point de vue l'abbé Dupanloup, auquel l'unira désormais pour un quart de siècle une amitié sans nuage. En 1846, Montalembert, qui, à l'âge de trente-cinq ans, personnifie le mouvement catholique en France, tente, en s'inspirant de l'exemple belge, de rassembler les catholiques en un grand parti politique et parvient à faire élire cent quarante-quatre députés favorables à la liberté d'enseignement. La loi Falloux, quatre ans plus tard, marquera le couronnement de ses efforts, auxquels il a réussi à donner pour les catholiques français le sens d'une croisade.
La révolution de 1848 est une pénible épreuve pour Montalembert, libéral à l'anglaise, mais très méfiant à l'égard de la démocratie. Soucieux avant tout de l'intérêt de l'Église, il fait toutefois taire ses rancœurs et pousse les catholiques au ralliement, mais quelques mois plus tard, effrayé devant les progrès du socialisme (ce grand propriétaire terrien n'a aucune sensibilité pour le problème ouvrier) et croyant sincèrement la religion liée à l'ordre social et menacée en même temps que lui, il contribue dans une large mesure à constituer avec les orléanistes conservateurs le « grand parti de l'ordre », puis, bien à contrecœur, à amener au pouvoir Louis Napoléon Bonaparte.
Toutefois, le caractère dictatorial du nouveau régime est trop opposé à son idéal politique pour que Montalembert ne rompe pas rapidement avec lui ; et dans Les Intérêts catholiques au XIXe siècle (sept. 1852), il s'en prend avec aigreur à ceux qui, comme Veuillot, se flattent d'obtenir pour l'Église un régime privilégié. Il ne cessera plus jusqu'à sa mort de revenir sur le danger qu'il y a à vouloir « enchaîner à l'idole décrépite de l'absolutisme les intérêts immortels de la religion[...]
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Écrit par
- Roger AUBERT : professeur à l'université de Louvain
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