DARWIN CHARLES ROBERT (1809-1882)
Le darwinisme et ses adversaires
On a parfois contesté l'originalité de l'œuvre de Darwin. Il est bien évident que l'idée d'évolution lui est bien antérieure et qu'il eut des devanciers illustres. Mais Darwin, en apportant des preuves multiples de l'évolution, la débarrassa surtout de toute fantaisie et de toute finalité et en fournit le premier une interprétation scientifique qui pouvait s'imposer au monde. Quant à la notion de sélection naturelle, dont la sélection sexuelle n'est qu'un aspect particulier, il est vrai aussi qu'elle existait avant Darwin et que, après Malthus, divers auteurs de l'époque darwinienne et connus de Darwin (P. Matthew, 1831 ; E. Blyth, 1835) en avaient plus ou moins obscurément évoqué l'intérêt. La concordance des conclusions pratiquement simultanées de Darwin et de Wallace prouve bien que l'idée était mûre. Mais seul le rôle éliminateur, négatif, de la sélection avait été généralement envisagé, et Darwin fut au moins l'un des premiers à en reconnaître l'aspect « créateur » : ce fut lui qui fit triompher le concept de sélection novatrice.
L'œuvre de Darwin ne pouvait que susciter des controverses, auxquelles il ne participa guère personnellement, en raison de ses malaises, mais dans lesquelles il fut défendu par des prosélytes fougueux, au premier rang desquels il faut citer T. Huxley. Les critiques dont Darwin fit l'objet le peinèrent souvent et l'irritèrent parfois, malgré son humilité. Les premières concernent naturellement les inférences religieuses de L'Origine des espèces. Darwin, après qu'il eut renié ses croyances premières et fut devenu agnostique, n'attaqua jamais la religion ni le clergé ; mais son interprétation du monde vivant, rendant superflue toute intervention surnaturelle, ne pouvait que choquer le traditionalisme conventionnel et l'intégrisme de nombre de ses concitoyens ; il suffit d'évoquer les polémiques passionnées d'Oxford, lors du congrès de la British Association de 1860, où l'évêque Wilberforce attaqua une doctrine immorale et antichrétienne qui conduisait à faire descendre l'homme du singe (ce qui prouve qu'il avait parfaitement compris L'Origine des espèces), et où T. Huxley, champion du darwinisme, lui rétorqua qu'il préférerait, s'il avait à choisir, être le fils d'un singe que celui d'un homme flétrissant un savant attaché au seul progrès de la vérité. Mais bien avant la fin du xixe siècle, l'Église admit, dans l'ensemble, qu'il n'existait aucune incompatibilité entre la notion d'évolution et une interprétation raisonnable des textes bibliques. D'autre part, des partis politiques, de tendances fort diverses, revendiquèrent la théorie de la sélection naturelle pour justifier leurs principes et leurs programmes. Enfin, si les idées darwiniennes reçurent très vite un accueil enthousiaste de la plupart des biologistes, certains hommes de science s'acharnèrent (comme F. Jenkin et lord Kelvin) et s'acharnent parfois (néo-lamarckiens, créationnistes...) à réduire leur portée ou à contester la validité du darwinisme.
Mais d'autres biologistes, après Darwin, après la réfutation de l'hérédité des caractères acquis, après les débuts, temporairement néfastes au transformisme, de la génétique, firent la synthèse des découvertes postdarwiniennes et de la théorie de la sélection naturelle. Le but premier des généticiens de populations était de soumettre la thèse darwinienne à une analyse expérimentale qui en confirmât pleinement l'importance. Des efforts de savants comme R. Fischer, T. Dobzhansky, J. B. S. Haldane, J. Huxley, E. Mayr, G. G. Simpson, G. L. Stebbins, G. Teissier, S. Wright est née une théorie synthétique de l'évolution où l'essentiel des conceptions darwiniennes continue[...]
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Écrit par
- Charles BOCQUET : ancien professeur à la faculté des sciences de Paris, ancien directeur du laboratoire de génétique évolutive et de biométrie du C.N.R.S.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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