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PEIRCE CHARLES SANDERS (1839-1914)

Le sémioticien

Peirce est un des fondateurs de la science des signes en tant que tels. La réflexion sur le signe occupe une place privilégiée dans son œuvre, mais inséparable de la phanéroscopie. La sémiotique analyse le signe à la lumière des trois catégories du sentiment, de l'existence et de la médiation. Il n'est pas possible de donner ici plus que quelques indications. Le signe est un representamen, quelque chose qui est mis pour quelque chose, pour quelqu'un. Il crée dans l'esprit de ce dernier un signe équivalent ou plus développé qui est l'interprétant du premier signe. Il est mis pour quelque chose qui est son objet. Mais pas à tous égards, seulement par rapport à une sorte d'idée qui est le fondement du representamen.

La sémiotique comprend trois parties : la logique critique, la rhétorique spéculative et la grammaire spéculative. La logique critique est la théorie quasi nécessaire ou formelle des signes. Elle s'occupe de ce qui est requis pour que le representamen se rapporte à un objet d'une manière vraie. La rhétorique spéculative traite des « conditions générales de la référence des symboles et autres signes aux interprétants qu'ils déterminent ». C'est un autre nom du pragmatisme qui est la théorie de la signification des signes ou plus exactement la méthode de détermination de la signification des signes. « Considérez, écrit Peirce dans un article de 1905, quels sont les effets pratiques que vous pensez pouvoir être produits par l'objet de votre conception : la conception de tous ces effets est le tout de votre conception. » Quand on lit chez un opérationnaliste comme P. W. Bridgman que la signification d'un concept « n'est autre chose qu'un ensemble d'opérations », chez un positiviste logique comme Carnap que « la signification d'une phrase est, en un certain sens, identique à la façon dont nous déterminons sa vérité ou sa fausseté », et chez Wittgenstein que « la signification est l'usage que nous faisons d'un mot », on se rend compte que c'est à l'appel de Peirce que les philosophes américains répondent quand ils se rangent sous la bannière de l'opérationnalisme, du positivisme logique ou de l'analyse linguistique. La grammaire pure ou spéculative, enfin, est la science des signes en tant que tels.

La sémiotique divise le signe, suivant les catégories phénoménologiques ou phanéroscopiques, en signe qualitatif, en signe existant et en signe général. Chacune de ces divisions se subdivise elle-même suivant les trois catégories. Ainsi le signe existant est icône comme premier, indice comme deuxième, symbole comme troisième. L'icône est un signe qui renvoie à l'objet en vertu de caractères qui lui sont propres et qu'il possède, que l'objet existe ou n'existe pas : un diagramme, par exemple. Un indice est un signe qui renvoie à l'objet du fait qu'il est réellement affecté par cet objet. Il implique une icône, mais particulière, car l'indice n'est pas la réplique d'un objet, puisqu'il est sa modification réelle par l'objet. C'est en ce sens que la fumée est l'indice du feu. Le symbole est un signe qui renvoie à l'objet en vertu d'une loi (association d'idées) qui fait que le symbole est interprété comme se référant à l'objet. Le symbole agit par le moyen d'une réplique. Dans la proposition « Ezéchiel aime Houlda », « aimer » est un symbole, comme tout foncteur propositionnel et au même titre. Un même signe peut être à la fois icône, indice et symbole. « Prenons, par exemple, « Il pleut ». L'icône est l'image mentale composite de tous les jours pluvieux que le sujet a vécus. L'indice est tout ce par quoi il distingue ce jour-là et sa place dans l'expérience. Le[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie à l'université de Perpignan, secrétaire général de l'Association internationale de sémiotique

Classification

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