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SEIGNOBOS CHARLES (1854-1942)

Né dans une famille protestante, Charles Seignobos est le fils d'un homme politique, Charles-André Seignobos, qui fut à plusieurs reprises député républicain de l'Ardèche. Le jeune Charles, après des études secondaires, entre à l'École normale supérieure ; agrégé d'histoire, il accomplit, en Allemagne, un voyage d'études de 1877 à 1879. Il enseigne ensuite, de 1879 à 1883, à la faculté des lettres de Dijon. Reçu docteur ès lettres en avril 1882 avec une thèse d'histoire médiévale sur le régime féodal en Bourgogne, il ouvre à la Sorbonne un cours libre en novembre 1883.

Seignobos devient, en 1898, le suppléant de Lavisse en histoire moderne et maître de conférences de pédagogie. Chargé d'un cours d'histoire générale en 1904, il est nommé professeur adjoint en décembre de la même année. Professeur de méthode historique en 1907, il obtient une chaire d'histoire politique des Temps modernes en novembre 1921.

On lui doit des ouvrages importants : Histoire de la civilisation (1884-1886), Introduction aux études historiques (en collaboration avec Charles-Victor Langlois) et surtout une Histoire politique de l'Europe contemporaine (1897). Il est avant tout connu comme l'auteur d'une série de manuels d'histoire pour l'enseignement secondaire ; il contribue à la publication de l'Histoire de France dirigée par Ernest Lavisse, pour la période 1848-1914. Pacifiste convaincu (il ne croit pas à l'imminence de la guerre à la veille de 1914) et dreyfusard ardent en 1899 (et comme tel, critiqué avec passion par la droite nationaliste), il ne tenta cependant pas de jouer un rôle politique direct comme le fit son collègue à la Sorbonne, Alphonse Aulard.

Il s'impose surtout, entre 1897 et 1921, comme le maître à penser de toute une génération d'historiens, dans les perspectives ouvertes avant lui par la réflexion positiviste (notamment par Hippolyte Taine et Fustel de Coulanges). Définissant avec une rigueur exemplaire les lois d'une critique historique minutieuse, il en arrive à juger que seuls peuvent retenir l'attention d'un véritable historien les phénomènes superficiels de la vie politique. Ne doivent pas entrer (du moins provisoirement) dans le champ de la recherche les faits d'ordre économique, intellectuel et social. Ce refus systématique d'un élargissement et d'un approfondissement éventuels de la réflexion historique est fondé sur une défiance méthodique : « Tout ce qui n'est pas prouvé doit rester provisoirement douteux... »

Considéré comme un défenseur acharné de l'histoire événementielle, Charles Seignobos est victime, surtout après la Première Guerre mondiale, de critiques nombreuses et souvent pertinentes de la part d'une nouvelle génération de chercheurs dont le chef de file est Lucien Febvre, cofondateur en 1929 des Annales d'histoire économique et sociale. Contre une conception de l'histoire « superficielle, vieillotte et sclérosée » se déploient les efforts des partisans d'une histoire globale, fondée sur l'étude approfondie des phénomènes sociaux, économiques et culturels. Cette querelle d'école contribue à fortifier, dans les esprits, jusqu'à nos jours le mythe d'« une histoire à la Seignobos », dogmatique, désincarnée, résolument à l'écart des luttes séculières, étrangère aux préoccupations et aux actions quotidiennes des foules anonymes du passé.

— Paul GERBOD

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  • : professeur à l'université de Paris-Nord

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