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SPAAK CHARLES (1903-1975)

À Bruxelles où Charles naquit, les Spaak formaient une cellule bourgeoise aux idées très libérales et qui alliait avec bonheur le barreau, la politique et la littérature. Poète et dramaturge, Paul, son père, dirigea le Théâtre de la Monnaie (l'Opéra de Bruxelles) ; sa mère, née Janson, fut sénateur et, tandis que son aîné, Paul-Henry, devenait l'un des hommes d'État les plus notoires de l'Europe nouvelle, un autre frère, Claude, s'adonnait au théâtre. Charles eut deux filles, Agnès et Catherine, qui allaient se tourner vers le cinéma.

Des études de droit, que d'ailleurs il n'acheva pas, lui laissèrent le loisir de tâter du journalisme et de pratiquer le théâtre. Acteur, il composa aussi deux pièces qui furent montées par Raymond Rouleau avant son départ pour la France. Il est âgé de vingt-cinq ans lorsque, sur le conseil de son père, il gagne Paris où son compatriote Jacques Feyder l'accueille comme secrétaire, puis lui trouve un emploi dans une firme productrice de films. La même année (1928), il écrit avec et pour Feyder le scénario des Nouveaux Messieurs. Durant une quarantaine d'années Charles Spaak sera adaptateur, coscénariste, scénariste et dialoguiste, jusqu'à ce qu'il prenne une retraite bien méritée dans sa villa de Vence. Il fait corps avec une époque, celle du cinéma français de l'entre-deux-guerres, où le rôle de scénariste-dialoguiste est considérable. S'il n'a pas la griffe de Jacques Prévert, il est moins envahissant que Henri Jeanson et possède autant de talent et de fécondité que Jean Aurenche et que Pierre Bost. Quand il avoue que « sa carrière », ce sont les metteurs en scène avec lesquels il a travaillé, Charles Spaak reconnaît sans doute son principal mérite : servir les œuvres et les cinéastes sans chercher à s'imposer lui-même.

Réalisateur d'un seul film, Le Mystère Barton (1949), il préférait le scénario original à l'adaptation, ce qui ne l'a pas empêché de transposer au cinéma des œuvres de Dostoïevski (L'Idiot en 1946 et Crime et châtiment en 1956 pour Georges Lampin, L'Homme au chapeau rond en 1949 pour Pierre Billon), Gorki (Les Bas-Fonds en 1936 pour Jean Renoir), Zola (Thérèse Raquin en 1953 pour Marcel Carné, Germinal en 1961 pour Yves Allégret), Maxence Van der Meersch, Louise de Vilmorin, Pierre Véry... S'il a collaboré à maints films aujourd'hui oubliés, son nom n'en figure pas moins au générique de nombre d'œuvres marquantes de cette génération cinématographique. En témoignent La Grande Illusion (Renoir, 1937), La Kermesse héroïque (Feyder, 1935), La Fin du jour (Julien Duvivier, 1939), L'Assassinat du père Noël (Christian-Jaque, 1941), Le ciel est à vous (Jean Grémillon, 1943), La Part de l'ombre (Jean Delannoy, 1945), Jéricho (Henri Calef, 1945), Patrie (Louis Daquin, 1945), La nuit est mon royaume (Georges Lacombe, 1951).

À propos de son style, on a parlé de réalisme poétique et de réalisme bourgeois ; il est certes une manière Spaak, qui est celle de tout le « cinéma de papa », pour lequel un dialogue est une recomposition du langage, apparemment parlé, sous une forme stylisée. Ce qui lui valut l'étiquette de « littéraire » et la condamnation sans nuances de la Nouvelle Vague. N'est-ce pas oublier, comme l'a fait remarquer Pierre Leprohon dans Cinquante Ans de cinéma français (Paris, 1954), la nécessité d'un jalon intermédiaire entre les débuts fatalement « littéraires » du parlant et le cinéma nouveau ? « Dans la mesure où ils libèrent le film parlant français de l'adaptation littéraire et du théâtre, suppléant aux incertitudes formelles de l'époque, par l'intrusion de l'esprit ou du style qui leur est propre, les scénaristes d'alors ont une grande part dans l'évolution du cinéma français ».[...]

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