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TAYLOR CHARLES (1931- )

Signification et moralité

Il est difficile de rattacher Charles Taylor à une école philosophique particulière. Il est en effet souvent présenté comme faisant le lien entre la philosophie analytique anglo-américaine et la philosophie continentale. Influencé par Martin Heidegger et Hans-Georg Gadamer, il étudie la société selon une approche herméneutique : les sciences sociales doivent prendre en compte la signification que les êtres humains confèrent à leurs actions. Le vote des électeurs, par exemple, ne s'explique pas uniquement par les calculs intéressés des individus. Bon nombre d'entre eux considèrent en effet le scrutin comme une expression importante de leur implication dans la communauté démocratique. Taylor a été taxé de communautarisme pour avoir mis l'accent sur la nature sociale du moi et sur les obligations que les individus ont envers leur communauté.

Le fait d'insister sur l'importance de la signification favorise chez Charles Taylor une forte conscience de la manière dont elle évolue dans le temps et dont elle diffère en fonction des cultures. Le philosophe ne nie pas pour autant l'idée d'une nature humaine universelle et immuable. Il affirme en effet que certaines caractéristiques accompagnent nécessairement le fait d'être humain et transcendent ainsi les différences d'époque, de lieu, de culture et de langue. Parmi ces caractéristiques figurent notamment la capacité à l'auto-interprétation –  la compréhension qu'un être humain a de lui-même forme une part significative de son identité –, le fait d'être doué de langage – les relations qu'un être humain entretient avec les autres, son environnement et lui-même se fondent sur le langage – et le fait de posséder une identité qui se constitue à travers le dialogue. Taylor maintient que le sentiment d'identité ne s'accomplit pas de soi-même : la conscience de soi dépend de la reconnaissance d'autrui. À l'inverse, il peut s'altérer, voire être endommagé lorsque l'on ne parvient pas à faire reconnaître pleinement son identité. Les êtres humains partagent d'autres traits : ils ont notamment des buts qui jouent un rôle important dans leur sentiment d'identité, ils se situent dans un cadre moral qui les oriente vers les choses qu'ils apprécient le plus et qui leur permet de savoir si leur vie s'approche ou s'éloigne de ces biens, ou encore ils sont capables de procéder à des « évaluations fortes ». Par ce concept d'évaluation forte, Taylor postule que les individus jugent certains de leurs désirs, ou certains des objets qu'ils désirent, qualitativement supérieurs à d'autres : ils sont ainsi perçus comme plus valables, précieux, significatifs ou importants que d'autres. Cela signifie que les êtres humains ne sont pas seulement des êtres qui expriment des préférences. Au contraire, dans certains de leurs choix, ils opèrent des distinctions qualitatives entre les choses qu'ils apprécient ou qu'ils recherchent.

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