THIBAULT CHARLES (1919-2003)
Le Français Charles Thibault, grande figure de la biologie de la reproduction, a consacré plus de soixante ans de sa vie à la recherche, à l'enseignement et à l'administration de la recherche.
Né le 14 juillet 1919 en Normandie, Charles Thibault, instituteur à l'origine, a soutenu deux thèses simultanément en 1942, l'une sur la vision des couleurs chez les poissons et l'autre sur la parthénogenèse chez les mammifères. Son nom reste associé à la première réalisation d'une fécondation in vitro chez un mammifère, le lapin, mais son œuvre essentielle est celle d'une direction scientifique exceptionnelle à plusieurs niveaux. Il a d'abord identifié les problèmes de l'agriculture de l'après-guerre en visitant plusieurs régions de France. La production animale était alors limitée par des taux de reproduction faibles. C'est dans cet axe qu'il orienta ses premières équipes en focalisant les recherches sur la gamétogenèse mâle et femelle des diverses espèces domestiques et sur le développement de l'insémination artificielle, de la maîtrise de l'ovulation et de la superovulation. Ces premières étapes résument bien ce qui a toujours été la doctrine constante de Charles Thibault : tenter de résoudre les problèmes agronomiques par des recherches appropriées, en faisant appel, si nécessaire, à des recherches de pointe. Alors que, au fil des décennies, les modes se déplaçaient vers le « tout appliqué » ou vers le « tout fondamental », il répondait invariablement qu'on avait besoin des deux simultanément, que l'un devait répondre aux questions de l'autre, et l'autre alimenter la réflexion de l'un. Il savait aussi bien susciter l'intérêt de ses chercheurs vers des problèmes pratiques que fournir les moyens et encourager les efforts de ceux qui affrontaient les aspects plus fondamentaux. Il faut dire que, dans les années 1950-1960, peu d'équipes dans le monde osaient se lancer dans des expérimentations qui impliquaient des animaux de grande taille et que bien des résultats d'endocrinologie ont été obtenus à l'aide de « premières » chirurgicales. Outre la reproduction proprement dite, Charles Thibault favorisa également les études sur la lactation et la synthèse du lait, la laine et la croissance du poil, la croissance elle-même et la physiologie de la fibre musculaire, le comportement social et ses implications en élevage. Inutile de dire qu'il acquit une hauteur de vue remarquable sur la biologie de la reproduction, favorisée, de plus, par son enseignement où les modèles animaux étaient dûment comparés, animaux domestiques bien sûr mais aussi tous ceux qu'offrait la littérature scientifique (rongeurs, par exemple). Les nombreux étudiants qu'il a formés constituent un groupe encore très imprégné de sa « philosophie scientifique » de biologie comparée. Une dizaine de prix nationaux et internationaux ont jalonné sa carrière, depuis le prix Foulon en 1950 jusqu'au prix de l'International Society for Embryo Transfer (San Diego) en 1989.
Parallèlement à son activité scientifique, Charles Thibault a exercé des fonctions variées, mais toujours importantes, dans l'administration de la recherche. Maître de recherche puis directeur de recherche à l'I.N.R.A., il a fondé le département de physiologie animale qu'il a dirigé de 1954 à 1972. Il a aussi été professeur à l'université de Paris-VI, de 1967 à 1988, et a présidé le C.N.R.S., de 1979 à 1981. Vice-président du Comité consultatif de la recherche scientifique et technique, représentant de la biologie au Conseil économique et social, son autorité s'est étendue au domaine médical et il a exercé la présidence de la Société française pour l'étude de la fertilité de 1986 à 1989. Enfin, croyant et très soucieux des problèmes d'éthique, Charles Thibault[...]
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Écrit par
- Philippe CHEMINEAU : docteur d'Université, ingénieur agronome, directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, chef du département de physiologie animale
- Jean PELLETIER : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, docteur ès sciences
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