TILLON CHARLES (1897-1993)
« Un homme libre, un grand et beau caractère » : en saluant par ces mots, en Conseil des ministres, le 13 janvier 1993, la mémoire de Charles Tillon, disparu quelques heures auparavant, le président de la République soulignait les traits marquants d'une vie de près d'un siècle dans lequel Charles Tillon fut tour à tour un mutin au nom de l'internationalisme prolétarien, un syndicaliste révolutionnaire, le commandant en chef des Francs-tireurs et partisans français (F.T.P.F. ou F.T.P.), un des ministres communistes du général de Gaulle, une des victimes des purges staliniennes du P.C.F., puis l'ardent mémorialiste pour qui la vie devait toujours chanter rouge.
Né à Rennes le 3 juillet 1897, fils d'un employé syndiqué des tramways, Charles Tillon sort de l'école industrielle de Rennes à seize ans, avec un C.A.P. d'ajusteur. Engagé volontaire le 20 juin 1916, le mécanicien du croiseur Guichen clame, le 26 juin 1919, sa volonté d'être démobilisé et de cesser de convoyer vers la mer Noire des troupes engagées contre les révolutionnaires russes. Dégradé et condamné à cinq ans de travaux forcés pour « excitation à la révolte et violences sans armes », Charles Tillon est bagnard au Maroc jusqu'en 1922. De retour en Bretagne, membre de droit du Parti communiste depuis la date de sa révolte, soit dix-huit mois avant le congrès de Tours, c'est dans l'action syndicale qu'il milite. Après avoir organisé, en 1924, la grande grève des marins pêcheurs et des ouvrières sardinières du Finistère, il est élu conseiller municipal de Douarnenez et invalidé ; il demeure avant tout un syndicaliste révolutionnaire, trois fois emprisonné jusqu'en 1931. Après un unique voyage à Moscou où il défend la nécessité de l'empirisme dans l'action syndicale de la C.G.T.U., il organise une marche de la faim des « méprisés du pouvoir », de Lille à Paris, en 1933. Conseiller général de la Seine en 1935, il est élu député communiste d'Aubervilliers en 1936, peu après avoir réorganisé les dockers marseillais. Il se sert de ses liens avec la Fédération internationale des marins et dockers pour aider l'Espagne républicaine et, comme député, dirige une mission humanitaire à Alicante en 1939 ; il est alors prisonnier des franquistes durant un mois.
Clandestin après la dissolution du P.C. (26 sept. 1939), condamné par contumace à cinq ans de prison, il lance à Bordeaux, le 17 juin 1940, un manifeste rejetant l'idée que le pays soit livré « tout entier au fascisme ». Son « unissez-vous dans l'action » le conduit en mai 1941 à la direction tricéphale du P.C., avec Jacques Duclos et Benoît Frachon. À partir de juin, il structure l'Organisation spéciale, les Bataillons de la jeunesse et ceux de la M.O.I. (Main-d'œuvre immigrée, où s'illustrera le groupe Manouchian). Ces éléments sont le creuset des F.T.P., dont Charles Tillon préside le comité militaire national après avoir créé, en septembre 1941, leur journal, France d'abord. Partisan de l'action immédiate, il définit la tactique de la guérilla dans la lignée des combats de Du Guesclin et des chouans ; la pratique des harcèlements prépare aussi des cadres dont tous admettent ce qui devient la tactique Tillon de la boule de mercure : chaque groupe F.T.P. doit parvenir « à se rendre chaque fois insaisissable comme une boule de mercure qui éclate entre les doigts qui veulent s'en saisir puis retrouve son poids spécifique ». Hostile aux grands maquis sylvestres concentrés, Charles Tillon lance les F.T.P. « dans la forêt des villes et des faubourgs » et permet ainsi le succès de l'insurrection nationale d'août 1944. Mais il ne tente pas d'actions révolutionnaires, considérant, avec les autres dirigeants du P.C., que le problème demeure alors « démocratie bourgeoise ou fascisme » et que le partage[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
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