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VANEL CHARLES (1892-1989)

En mars 1978, dans une interview accordée au magazine Paris-Match, Charles Vanel déclarait : « Je continuerai aussi longtemps que l'on voudra de moi et que j'en aurai la force. C'est le destin du comédien. Il est incapable de renoncer. S'il abandonne, c'est que le public l'a abandonné, ou ses forces, ou sa mémoire. » Il lui restait encore onze années à vivre et six films à tourner. On le vit alors impressionnant, monolithique, la parole rare et brève, figé dans sa carapace. Il s'immobilisa définitivement le 15 avril 1989 à l'âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Né le 21 août 1892, Charles Vanel est venu au cinéma très rapidement et l'a parcouru d'un pas tranquille et obstiné. Sa carrière commence avec Jim Crow tourné par Marcel Robert (1912) et se poursuit avec de nombreux films muets, dont Feux follets d'Erich Washneck (1929). Lui-même se dirige alors dans un film troublant, méchant, cruel : Dans la nuit, l'une des dernières fusées du cinéma muet, qui, à sa sortie en 1930, passa inaperçu alors qu'il exploitait avec brio le thème du « masque ». Charles Vanel avait déjà paru dans une quarantaine de films où il jouait, avec la conscience dont il ne se départit jamais, des traîtres et des vilains, notamment pour la société Albatros qui l'employa dans le film d'Alexandre Volkoff La Maison du mystère (1922). Le très actif Jacques de Baroncelli le rencontre et lui confie l'interprétation d'une douzaine de films muets ou parlants, drames maritimes pour la plupart (Pêcheurs d'Islande, 1924 ; Nitchevo, 1926 ; Feu, 1927) mais aussi La Flambée des rêves, 1924, ou encore l'adaptation de la pièce Le Réveil de Paul Hervieu (1925). Louis Mercanton qui l'avait fait figurer, en 1920, au côté de Réjane, dans Miarka, la fille à l'ours, l'emploie deux ans plus tard dans Phroso. René Clair lui donne un rôle dans La Proie du vent (1926), et Germaine Dulac le met en scène dans Âme d'artiste (1925). Charles Vanel tourne sous des directions françaises (René Hervil, Charles Burguet, Robert Boudrioz), italienne (Augusto Genina), russes et surtout allemandes, dans des films de Félix Basch, Heinz Paul. Karl Grüne lui demandera en 1928 d'incarner Napoléon dans Waterloo. Le talent de Charles Vanel s'appuie sur la concentration et sur un sens affirmé de la nuance. Dès l'avènement du parlant, on reconnaît la qualité de sa présence laconique, l'intensité de ses expressions, et une évidente autorité. Encore réclame-t-il des scénarios bien bâtis qui accrochent l'intérêt du public : « Je suis contre les films où les cinéastes oublient le spectacle pour nous glisser leurs états d'âme. » La société Pathé-Natan, à laquelle il est lié par un contrat dès 1930, ne peut que le satisfaire : Accusée, levez-vous et Maison de danses (M. Tourneur, 1930 et 1931), Faubourg Montmartre et Les Croix de bois (R. Bernard, 1931 et 1932) vont l'amener à composer le Javert inoubliable de la trilogie des Misérables (R. Bernard, 1933). Que sous une apparente pesanteur, cachant le feu sous la glace, Charles Vanel ait su provoquer chez le spectateur les sentiments les plus divers, qui le nierait ? On l'a vu policier avec Jacques Feyder (La Piste du Nord, 1939), Alfred Hitchcock (La Main au collet, 1954), Henri Georges Clouzot (Les Diaboliques, 1954) et, avec un humour décapant, il a participé aux aventures du Gorille imaginées par B. Borderie (Le Gorille vous salue bien, 1957 ; La Valse du Gorille, 1959). Il a connu l'horreur des tranchées (Les Croix de bois), retrouvé les casernes de la Belle Époque (Les Gaîtés de l'escadron, P. Moffa, 1954), s'est glissé dans la peau du baroudeur doublé d'un époux soupçonneux (Légions d'honneur, M. Gleize, 1937). Il a également fait preuve d'exceptionnelle dignité[...]

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