CHARLES VII (1403-1461) roi de France (1422-1461)
Article modifié le
Fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, le futur Charles VII était comte de Ponthieu et devint dauphin de Viennois à la mort de son frère Jean en 1417. Il apparut donc tardivement aux côtés de Bernard d'Armagnac, comme le chef du parti hostile à la politique réformatrice et souvent démagogique du duc de Bourgogne, parti lui-même discrédité par la violence de la réaction anticabochienne des années 1413-1418. Éloigné de Paris par la domination bourguignonne en 1418, puis déshérité par son père et déclaré bâtard par sa mère (traité de Troyes, 1420), il prit cependant le titre de roi à la mort de Charles VI (21 octobre 1422), mais il ne fut vraiment reconnu comme tel qu'après le sacre. Jusque-là, l'usage courant de la Cour ne lui accordait que le titre de dauphin.
Établi en Berry et en Touraine (notamment à Loches et à Chinon), Charles VII était fort de la fidélité des provinces du Centre et du Languedoc, d'où il tira l'essentiel de ses ressources. Pour gouverner, au contraire, il dut improviser avec un personnel généralement nouveau et peu au fait des affaires. Le Parlement qu'il organisa à Poitiers et la Chambre des comptes qui fut établie à Bourges furent, pour l'essentiel, peuplés d'officiers naguère éliminés à Paris par les Bourguignons, de telle sorte que l'administration fut plus facilement efficace que le gouvernement. La défection d'officiers demeurés à Paris et tardivement ralliés à Charles VII renforça, surtout à partir de 1430, les structures administratives de la monarchie.
L'intervention de Jeanne d'Arc et l'énergie de quelques capitaines, parmi lesquels le bâtard de Louis d'Orléans, Dunois, sauva Charles VII de la catastrophe qu'eût été la prise d'Orléans par les Anglais, symbole de la résistance à l'étranger. Le sacre de Reims (17 juill. 1429), terme d'une randonnée où purent se manifester la fidélité des populations (il n'y eut de réticences qu'à Troyes) et parfois leur enthousiasme, apparut surtout comme le jugement de Dieu, reconnaissant la légitimité de l'héritier, auquel l'opinion publique fut d'autant plus sensible que le prétendant anglais Henri VI dut se contenter, deux ans plus tard, d'un sacre parisien, faute de pouvoir gagner Reims en toute sécurité.
La reconquête des régions au nord de la Loire fut entreprise dès le temps de Jeanne d'Arc. La réconciliation de Charles VII et du duc de Bourgogne, rendue possible par la modération des deux princes et par l'obstination des Anglais (traité d'Arras, 1435), facilita la reprise des villes où l'adhésion au parti bourguignon ne soutenait plus la résistance militaire de garnisons anglaises souvent insuffisantes. Paris fut livré par les Parisiens aux troupes de Richemont (1436). La chute de Pontoise, en 1441, permet le rétablissement des relations avec le nord du royaume. Le pays de Caux et la région de Vire se soulevèrent. Les Anglais négocièrent une trêve (Tours, 1444), que le roi de France mit à profit pour renforcer sa puissance. Il réorganisa en particulier son armée et resserra l'alliance bretonne, précieuse pour la reconquête de la Normandie. Au cours de la dernière phase de la guerre (1449-1453) furent successivement occupées la Normandie (Formigny, 1450) et la Guyenne (Castillon, 1453), où le roi eut l'habileté de confirmer les privilèges et d'empêcher toute réaction contre les anciens fidèles du Lancastre. Rares furent ceux qui jugèrent opportun de fuir en Angleterre.
Le règne de Charles VII n'est pas seulement un difficile parcours de l'humiliation à la victoire. C'est aussi le temps de l'organisation définitive d'institutions essentielles au gouvernement monarchique. Ayant obtenu des assemblées locales et des états généraux ou provinciaux les impôts nécessaires au financement de la guerre, Charles VII sut, avec l'aide de Jacques Cœur, son grand argentier, habituer ses sujets à la permanence de l'impôt et put, dès le milieu du siècle, éviter de convoquer les états généraux et se passer du consentement qui semblait indispensable pour la levée de toute ressource extraordinaire. L'impôt permanent, c'était la reconnaissance d'un droit monarchique étranger au droit coutumier selon lequel le roi devait vivre de son revenu domanial, comme une personne privée. C'était aussi le moyen d'une puissance assurée par une force militaire permanente. Dès 1445, Charles VII dotait son armée de structures adaptées au maintien d'une force armée en tout temps : les compagnies de l'ordonnance étaient soldées régulièrement, cependant que les autres compagnies étaient dissoutes, la guerre finie ; les unes assuraient la soumission des autres. L'efficacité des grandes institutions judiciaires et financières fut accrue, de même que satisfaction fut donnée au particularisme des provinces, par une multiplication des ressorts qui décentralisa partiellement la fonction administrative.
La crise du Grand Schisme d'Occident avait été favorable au renforcement de l'autorité royale sur le clergé français. La publication en France des canons du Concile de Bâle fournit l'occasion d'assurer cette autorité : le roi fit examiner ces canons par l'assemblée réunie à Bourges en 1438 et il les publia, amendés, en une pragmatique sanction qui fonda en droit la position du roi comme « première personne ecclésiastique du royaume ». Ce fut surtout, pour trois quarts de siècle, la base de négociations avec la papauté.
Charles VII se méfiait de Paris, où il avait vécu des jours difficiles dans son enfance. Il fit passer la prévôté des marchands aux mains d'officiers de justice ou de finance qui assurèrent la tutelle de la capitale. Pour sa résidence, le roi continua de préférer les petites villes du Val de Loire et ses châteaux de Touraine et de Berry. Capitale administrative, Paris cessa d'être la résidence principale du roi, de la cour et de l'aristocratie.
La personnalité de Charles a sensiblement évolué en quarante ans de règne. Médiocrement énergique, très affecté par la maladie de son père et par le reniement de sa mère, le roi de Bourges apparaît parfois comme un velléitaire qui laisse condamner Jeanne d'Arc, peut-être afin de ménager ses adversaires avec lesquels il espère traiter. Plus puissant que ses ancêtres et maître d'un royaume où, passée la tentative féodale dite de la Praguerie (1440), la monarchie l'emporte sur tout système de partage de la puissance publique, il apparaît encore comme très influençable, souvent dominé par des favoris (Richemont, La Trémoille, Brézé) et même par sa maîtresse Agnès Sorel, du moins de 1444 à 1450. Mais la seule faiblesse sérieuse de la fin du règne est l'insoumission du dauphin Louis, flagrante dès 1447 et sans cesse aggravée ; à la mort de Charles VII, le dauphin, futur Louis XI, était en révolte ouverte et réfugié à la cour de Bourgogne.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean FAVIER : membre de l'Institut, directeur général des Archives de France
Classification
Média
Autres références
-
ARMAGNAC JEAN V comte d' (1420-1473)
- Écrit par Jean FAVIER
- 184 mots
Fils de Jean IV d'Armagnac et d'Isabelle de Navarre. Vicomte de Lomagne, puis comte d'Armagnac à la mort de son père en 1450, d'abord fidèle à Charles VII, Jean V d'Armagnac usurpa cependant les prérogatives royales, en particulier le droit de battre monnaie, et se rebella à diverses reprises...
-
BEDFORD JEAN DE LANCASTRE duc de (1389-1435)
- Écrit par Paul BENOÎT
- 747 mots
Troisième fils d'Henri IV d'Angleterre, Jean de Lancastre est fait duc de Bedford par son frère Henri V en 1414. Mêlé très jeune aux luttes politiques, il soutient son frère qui lui confie la lieutenance du royaume lors de ses expéditions en France. À ce titre, il prend Berwick aux Écossais...
-
CAPÉTIENS (987-1498)
- Écrit par Jacques LE GOFF
- 8 061 mots
...d'Angleterre Henri V le successeur de Charles VI et, à sa mort, les deux couronnes devaient rester unies à jamais sous lui et ses successeurs. Mais le dauphin Charles n'accepta pas son déshéritement. Ses partisans (Jean de Terre-Rouge dans le Traité de la succession à la Couronne et les Droits du Dauphin... -
CHEVALIER ÉTIENNE (1410-1474)
- Écrit par Jean FAVIER
- 176 mots
Issu d'une famille d'officiers dont la fortune était déjà faite, Étienne Chevalier fut d'abord au service du connétable de Richemont, puis du roi Charles VII, qui le nomma secrétaire en 1442, contrôleur général des aides en 1445, maître des comptes en 1449 et trésorier de France en 1452. L'un des...
- Afficher les 19 références
Voir aussi