CHAPLIN CHARLIE (1889-1977)
La conquête de l'indépendance
Le comédien avait été engagé par Sennett pour cent cinquante dollars par semaine. Deux ans plus tard, il signe avec la Mutual un contrat qui multiplie par dix ce salaire et met à sa disposition le studio « Lone Star » de Hollywood. C'est là qu'il réalise, entre 1916 et 1917, de Charlot chef de rayon à Charlot s'évade, douze films qu'on peut considérer, pour la verve du personnage et le dynamisme de la mise en scène, comme un premier sommet de l'œuvre. L'année suivante, la compagnie First National lui offre un million de dollars pour réaliser huit courts-métrages. Il construit alors son propre studio au carrefour de Sunset Boulevard et de La Brea Avenue. Il y tournera la totalité de ses films jusqu'à son départ pour l'Angleterre en 1952. Mais Chaplin n'a pas encore conquis tous les moyens de son indépendance. En 1921, ses bailleurs de fonds, malgré les bénéfices énormes réalisés avec Charlot soldat (1918), cherchent à profiter du scandale causé par son premier divorce pour négocier à la baisse le prix du Gosse (1921). Lorsqu'ils menacent de saisir le négatif, le cinéaste doit s'enfuir à Salt Lake City pour achever le montage de son film. C'est seulement à l'expiration de son contrat First National en 1923 (avec Le Pèlerin, une satire mordante des hypocrites et des bigots), et grâce à la création en 1919, de sa compagnie de distribution United Artists (avec Mary Pickford, Douglas Fairbanks et David Wark Griffith), qu'il pourra en toute liberté écrire, produire, réaliser, monter, et composer la musique de ses films.
Dans la série de longs-métrages qui commence alors (la série « United Artists »), il faut distinguer les chefs-d'œuvre du muet (L'Opinion publique, 1923 ; La Ruée vers l'or, 1926 ; Le Cirque, 1928), les films qui marquent le passage au parlant (Les Lumières de la ville, 1931 ; Les Temps modernes, 1936) et les trois monuments de l'après-Charlot (Le Dictateur, 1940 ; Monsieur Verdoux, 1947, et les Feux de la rampe, 1952).
Seules l'immense popularité de Charlot et l'énorme fortune amassée grâce à elle ont permis à Chaplin de contrôler toutes les étapes de la création cinématographique et de devenir ainsi un auteur à part entière, privilège rarissime à Hollywood. A contrario, malgré le caractère très personnel de leur sujet, les deux derniers films du cinéaste, Un roi à New York (1957) et La Comtesse de Hong-Kong (1966), réalisés en Angleterre et loin de Hollywood, marquent un déclin sensible de cette maîtrise.
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Écrit par
- Francis BORDAT : professeur de civilisation américaine à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
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