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CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE et LES NOCES FUNÈBRES (T. Burton)

Éloignés par le matériau utilisé (la mise en scène traditionnelle d'une part, l'animation de volumes de l'autre) et le propos (apologue cruel sur la société de consommation contemporaine versus conte macabre gothique). Charlie et la chocolaterie (2005) et Les Noces funèbres (2005) font se croiser la plupart des thèmes et des figures plastiques qui caractérisent l'œuvre de Tim Burton depuis son début.

Mieux que d'autres cinéastes américains contemporains (les frères Coen, Joe Dante), Tim Burton parvient à formaliser un univers de la synthèse des genres propres au cinéma hollywoodien. Le burlesque et le fantastique y ont une part prépondérante. Son écriture cinématographique procède par collage d'emprunts culturels, littéraires, picturaux.

Charlie et la chocolaterie est adapté du livre de Roald Dahl, best-seller de la littérature enfantine des années 1960. Écrit à l'ère de l'abondance économique, le livre stigmatisait, de manière vivifiante, la gourmandise des enfants. Chez Burton, la fiction se transforme en critique virulente de notre société permissive qui produit des enfants gâtés, capricieux, frôlant la monstruosité. Le film oppose Willy Wonka, un magnat de l'industrie du chocolat, au petit Charlie Bucket, un gamin pauvre croqué dans la tradition de Dickens. Dans le monde claustrophobe échafaudé par le metteur en scène, le chocolat est devenu l'unique matière première de la société. L'industriel fantasque s'est enfermé dans une copie paranoïaque de Disneyland, afin de déjouer la concurrence déloyale des visiteurs de son usine. Un jour, il lance un concours : cinq billets « magiques » sont enfermés dans des tablettes de friandises, et les enfants qui les trouveront passeront une journée dans l'antre de l'ogre. À l'exception de Charlie, les gagnants représentent, chacun, un cas proche de la pathologie enfantine : l'obèse Augustus ; Veruca, la riche fillette gâtée jusqu'à l'écœurement par son père ; Violet, obnubilée par la performance et qui mâche depuis plusieurs jours un chewing-gum pour battre des records mondiaux ; Mike enfin, fasciné par la télévision et les nouvelles technologies...

En pénétrant dans la mystérieuse fabrique, ces enfants surprotégés vont faire le douloureux apprentissage du danger. La manufacture est une sorte de palais des merveilles ou toutes sortes de croisements et d'excroissances, mélangeant l'organique et l'inorganique, créent un paysage étrange et bigarré, quelque part entre Bosch et le pop art. Le curieux industriel au visage outrageusement grimé n'aime pas les enfants, et le leur fait sentir. Chacun sera châtié par où il a péché : ainsi, Augustus, le gourmand, tombe dans un étang de chocolat, et Veronika, la fille à papa, est jetée dans une fosse par de cruels écureuils. Les enfants risquent la mort, sans que Wonka s'en offusque.

Tim Burton revient, ici, à un personnage type qu'il a façonné tout au long de ses films. Willy Wonka renvoie ainsi directement au héros asexué et infantile de Pee Wee's Big Adventure (1985, premier long-métrage du cinéaste), un citoyen modèle qui se métamorphose en un intrépide justicier afin de récupérer un vélo qu'on lui a volé. On retrouve cet apprenti sorcier dans Ed Wood (1994), biographie attendrie d'un cinéaste de série B, déjà interprété par Johnny Depp, étonnant Willy Wonka dont les traits et la voix servent également de modèle au héros des Noces funèbres. Depuis leur première collaboration dans Edward aux mains d'argent (1990), Burton semble ainsi avoir trouvé, avec cet acteur, l'alter ego qu'il recherche.

Autre point commun aux deux films, Charlie et la chocolaterie et Les Noces funèbres comportent des interludes dramatiques chantés. Dans le premier, chaque malheur qui arrive à un enfant est[...]

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