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ROUSE CHARLIE (1924-1988)

Charlie Rouse fait partie de ces excellents musiciens qui, pour n'avoir pas bouleversé les fondements mêmes du jazz, sombrent trop rapidement dans un injuste oubli. On ne vit pas impunément à l'ombre des géants. Surtout quand celui dont il est question s'appelle Thelonious Sphere Monk.

Charles Rouse naît à Washington en 1924. Son enfance et les circonstances de son apprentissage de la musique restent très largement inconnues. C'est dans les grands orchestres que, armé de son saxophone ténor, il commence à vingt ans sa carrière. On le remarque parmi les pupitres des formations de Billy Eckstine (1944), Dizzy Gillespie (1945), Duke Ellington (1949-1950) et Count Basie (1950). Suit une longue période de travail indépendant dans les studios et les clubs de New York. À la fin des années1950, il appartient au Combo de Bennie Green, fonde avec Julius Watkins l'ensemble The Jazz Modes et joue avec Buddy Rich. 1959 est l'année où il rencontre Thelonious Monk, à qui il consacrera — de 1959 à 1970 — plus de dix ans de sa vie musicale. Dans de très nombreux enregistrements, il apparaît aux côtés de celui qui reste l'un des plus passionnants musiciens de l'après-guerre, notamment dans Brilliance. À l'homme et à sa musique, Charlie Rouse dédie toute l'évidence de ses dons et de son talent, acceptant d'y noyer une personnalité, pourtant très attachante, au point de ne pouvoir s'exprimer dans un autre langage. Quand, en 1982, sur la fin de sa carrière, il fonde avec Kenny Barron, Buster Williams et Ben Riley un dernier groupe, c'est une fois encore pour défendre et illustrer la musique de l'inimitable Monk. Faut-il alors s'étonner qu'il ait choisi de se baptiser « Sphere », de l'étrange deuxième prénom du mystérieux musicien ? Le style naturel de Charlie Rouse se situe dans la lignée de Ben Webster et de Coleman Hawkins. Le tempérament est généreux, la sonorité pleine. Son jeu reste cependant fondamentalement marqué par l'influence indélébile du hard bop. Coloriste et improvisateur de talent, Charlie Rouse aurait certes mérité d'être mieux reconnu par les amateurs de son temps. C'est pourtant comme compagnon de Thelonious Monk qu'il est entré dans l'histoire du jazz. N'ayons pas trop de regrets : bien des titres de gloire pâlissent à côté de celui-là !

— Pierre BRETON

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