CHARMES, Paul Valéry Fiche de lecture
Après le succès remporté par La Jeune Parque (1917), Paul Valéry, plébiscité en 1921 comme le plus grand poète contemporain, publie Charmes le 25 juin 1922 ; le titre du recueil est un hommage aux poèmes de l'Antiquité romaine, les carmina. Après remaniement de l'ordre des 21 poèmes, une nouvelle édition paraît en 1926.
« Charme » ou la quête de soi
La méthode, chère à Valéry, qui favorise l'attention, l'invention et la connaissance des moyens propres à l'émergence d'une idée, Charmes la symbolise dans sa structure. Influencé par Poe comme par Mallarmé, Valéry construit un édifice où chaque poème entre en relation avec les autres. Cette interdépendance est présente à chaque page du recueil : le poème initial, « Aurore », chante le combat du principe spirituel cherchant à s'arracher à ce qui l'entrave : « Je fais des pas admirables/ Dans les pas de ma raison. » Sorti de la « confusion morose de la pensée », le poète avance en lui-même pour espérer y construire un temple éternel. Les quatre premières sections de « Fragments du Narcisse » permettent à l'âme de s'émanciper pour se retrouver face à elle-même : l'ivresse naît de « l'inépuisable Moi ». La pensée suit son cours, travaille comme « L'Abeille », avance des « Pas » vers le grand œuvre encore en sommeil que symbolise « La Dormeuse ». La gradation s'opère vers la jouissance de l'activité créatrice et de ses pouvoirs que le langage, « honneur des hommes », concentre en un même élan.
Le chant est issu d'un travail, la modulation s'ordonne en fonction d'une connaissance : c'est une autre aile du palais qu'inaugurent « Ébauche d'un serpent » puis « Les Grenades », signe que la méthode, pour austère qu'elle est, peut être savoureuse. Assailli par d'autres images, comme celle du « Vin perdu » ou de « Intérieur », le poète accueille les fruits de l'imagination, cependant maîtrisée par un rythme obsédant 6/4, 4/6 : « Le Cimetière marin » veut d'abord « maintenir des conditions musicales constantes ». La beauté des décasyllabes de ce chef-d'œuvre poétique n'est pas étrangère aux souvenirs de Sète, ville natale du poète. L'abstraction pénètre un flot d'images frappantes : « Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !/ L'air immense ouvre et referme mon livre,/ La vague en poudre ose jaillir des rocs !/ Envolez-vous, pages tout éblouies ! » Le calme de la vie intérieure se mêle à celui de la mer, la pensée cherche à trouver asile dans ce rythme. L'ordre interne du recueil s'oriente vers le secret, délaissant les charmes qui séduisent « Le Rameur » pour toucher enfin l'œuvre accomplie dont « Palme », ultime poème, est l'emblème.
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Écrit par
- Claude-Henry du BORD
: professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à
Études , poète et traducteur
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Média