AMIENS CHARTE D' (1906)
Motion votée au IXe congrès confédéral de la C.G.T., tenu du 8 au 16 octobre 1906, la Charte d'Amiens est considérée comme le texte fondamental du syndicalisme révolutionnaire.
La C.G.T. avait été créée au congrès de Limoges en 1895 par la Fédération des Bourses du travail (et à son initiative) et la Fédération des syndicats. Elle est alors une association formelle plus qu'une confédération, et il lui faudra attendre 1902 (congrès de Montpellier) pour se donner une structure réelle. Seule à cette date la Fédération des Bourses du travail, animée par les anarchistes, en est l'élément actif. Les anarchistes ont en effet commencé d'entrer dans les organisations ouvrières après l'échec de la « propagande par le fait » (attentats à la bombe et vols), à l'appel de certains d'entre eux, comme Pelloutier, qui anime la Fédération des Bourses jusqu'à sa mort en 1901.
Le congrès d'Amiens s'ouvre dans une atmosphère politique particulière : le parti socialiste S.F.I.O. vient de se créer ; l'expérience de la participation au pouvoir avec Millerand a éveillé des appétits au sein des dirigeants du mouvement ouvrier ; enfin, les guesdistes, exclus des syndicats en 1895, reviennent à la charge, forts de tout le poids du nouveau parti socialiste dont la création est leur œuvre. La direction de la jeune C.G.T. (avec Griffuelhes au secrétariat général) doit se défendre, sur sa droite, des réformistes et des opportunistes et affirmer face aux prétentions des dirigeants politiques non seulement son indépendance, mais surtout son propre programme : le syndicalisme révolutionnaire.
Trois textes sont proposés aux délégués : la motion Renard (Fédération du textile) d'orientation guesdiste, qui propose une collaboration étroite avec les organisations politiques, affirmant la primauté de l'action politique sur l'action syndicale ; la motion Keufer (Fédération du livre), nettement réformiste, affirmant « le caractère exclusivement économique de l'organisation syndicale » et demandant d'en « bannir toutes discussions et préoccupations politiques, philosophiques et religieuses » ; enfin la motion présentée par la direction de la Confédération, motion Griffuelhes qui définit un syndicalisme de lutte de classes et lui assigne un but d'émancipation intégrale du prolétariat, « qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste. Il [le syndicalisme] préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance, sera dans l'avenir le groupement de production et répartition, base de réorganisation sociale ». Enfin le texte précise que « les organisations confédérées n'ont pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ».
Au cours des débats, les guesdistes sont très vite isolés (ils ne recueillent que 34 mandats sur 807) ; les réformistes retirent leur texte et annoncent qu'ils votent la motion Griffuelhes « parce qu'elle condamne l'intrusion de toute politique dans les syndicats et au sein de la C.G.T. », mais font des réserves sur la question de la grève générale.
Le texte adopté, « antisocialiste » mais aussi bien anti-anarchiste (distance à l'égard des « sectes »), attribue au syndicalisme un rôle primordial dans l'émancipation du prolétariat mais aussi dans l'organisation de la future société socialiste. Le syndicalisme s'affirme comme une théorie de la révolution — c'est un syndicalisme révolutionnaire — et non pas, comme on l'affirme trop souvent de façon restrictive, un anarcho-syndicalisme. Il recèle toutefois bien des faiblesses. Tout d'abord, la grève générale comme moyen de prise du pouvoir élaboré à travers[...]
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Écrit par
- Paul CLAUDEL : maître en histoire et géographie
Classification
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